Du sang…

Ce fut la première chose que Nom Anor remarqua quand il sortit des souterrains de Yuuzhan’tar : l’odeur du sang.

Il inspira à fond et sourit.

Le Prophète et son entourage étaient de nouveau en action. Nom Anor, Shoon-mi et Kunra accompagnaient Ngaaluh, censée enquêter sur la corruption religieuse dans le secteur Vishtu de Yuuzhan’tar… Des officiels de tout niveau lui facilitaient le passage. Sa soudaine notoriété la précédait : qui était mieux placé qu’une prêtresse de la secte de la tromperie pour détecter la fourberie dans les couches les plus élevées de la société ?

Ngaaluh était accompagnée de nombreux assistants. Tous ignoraient qu’elle était en réalité la servante du corrupteur – celui-ci faisant partie de sa suite. Nom Anor avait adopté la personnalité d’un travailleur de bas étage, juste un cran au-dessus d’un Honteux. Il supervisait les vrrips à bagages, des bêtes à six pattes similaires à des bovidés, élevées dans le but de déplacer de lourdes charges. Ngaaluh avait emporté des archives et amenait cinq prisonniers pour interrogatoire. Nom Anor avait présidé au choix de ces prisonniers. Il s’agissait de candidats hérétiques trop instables pour être utiles à sa cause.

Anor leur avait fait croire que Yu’shaa les acceptait, leur débitant une série de mensonges et les envoyant répandre une version dévoyée de son « message »…

Toujours fidèles à Shimrra, et croyant exécuter sa volonté, les espions de Ngaaluh avaient capturé les hérétiques. Leur interrogatoire révélerait de terribles secrets sur les officiels du secteur Vishtu. Ils feraient sans le savoir le jeu de Nom Anor en répandant ces informations erronées.

— Halte !

A l’approche de l’entrée de l’enclave de commandement de Vishtu, Nom Anor fouetta ses vrrips pour qu’ils se mettent en ligne. Tout le monde s’arrêta. Rendus fous par l’odeur du sang, des insectes voletaient autour d’eux. Deux guerriers aux visages scarifiés gardaient l’entrée. L’un d’eux demanda l’autorisation d’accès de la caravane. Le premier assistant de Ngaaluh la lui tendit. Assise sur un siège décoré fixé sur le dos du plus grand vrrip, Ngaaluh regardait. Le garde vérifia plusieurs fois le document, puis grogna, mécontent. Nom Anor s’en étonna : c’était le seul élément authentique de toute la caravane !

L’assistant et le garde se disputèrent. Nom Anor tendit l’oreille. Du coin de l’œil, il vit Kunra. Méconnaissable sous son masque biologique, lui aussi affectait de travailler avec les vrrips.

Avant que Nom Anor puisse arriver assez près, un garde le frappa.

— Ça ne te concerne pas, travailleur. Recule !

Nom Anor baissa la tête, pour feindre l’obéissance, cacher tout dégât éventuel infligé à son masque ooglith – et surtout ne pas trahir sa colère.

Il devait contenir ses émotions ! Pour le moment, il était un serviteur, et il se comporterait comme tel. Quitte à laisser ses « supérieurs » le maltraiter…

Serrant les dents, il marmonna une excuse. Le garde se détourna.

— Tout va bien ? murmura Kunra.

Nom Anor vérifia son masque. Intact.

— J’ai connu pire…

Travailler avec Shimrra et sa coterie de déments l’avait souvent exposé à des ennuis plus graves que celui-là… L’idée qu’il rendrait bientôt la monnaie de leur pièce à ces fous lui redonna du cœur au ventre. Il ne les épargnerait pas !

Après leur crise d’autorité, les gardes demandèrent enfin l’ouverture. Autrefois artificielle, la porte avait été remplacée par un swarbirk, un organisme robuste qui pouvait, si on l’attaquait, sécréter un gaz toxique et se régénérer à grande vitesse. Il grogna quand ses gardiens le poussèrent, laissant passer la caravane.

Le fouet de Nom Anor claqua et ses vrrips avancèrent maladroitement. Craignant de faire naître des soupçons à son sujet, il se concentrait sur ses bêtes.

L’expression de Ngaaluh ne changea pas, même quand ils longèrent la mare où le swarbirk saignait. La créature portait une dizaine de blessures. Nom Anor ne vit aucune cause évidente aux lésions. Encore une des manifestations du mauvais fonctionnement du cerveau-monde, sur Yuuzhan’tar…

Il rit sous cape. Il y avait peut-être des avantages à vivre dans les souterrains…

 

Ravi d’être enfin sorti de l’hyperespace, Jag ne perdit pas de temps à discuter les ordres. Pendant que Pellaeon se plaçait entre la planète et les Yuuzhan Vong pour les empêcher de continuer le bombardement, Jag conduisit son escadron vers le vaisseau de guerre Kur-hashan.

— Jumeaux Deux, prenez Six et Huit et attaquez le flanc gauche. Trois, Cinq et Sept, le droit. Le reste, suivez-moi.

Parfaitement synchronisés, Jumeaux Quatre et Neuf se placèrent de part et d’autre de Fel.

Jag commençait à ne plus faire de différence entre les pilotes chiss et ceux qui venaient de l’Alliance Galactique. Ils avaient passé assez de temps ensemble pour fonctionner comme une véritable unité.

Les Yuuzhan Vong avaient remarqué qu’on les prenait en tenaille. Des coraux skippers jaillirent du Kur-hashan. Les analogues de croiseurs, rapides mais peu armés, contournèrent le vaisseau de grande taille pour affronter les attaquants. Le Sélonia s’orienta vers eux, ses canons lasers crachant du feu.

Le ciel obscur d’Esfandia s’illumina à cause des tirs des vaisseaux. Des éclairs jaillirent entre les bâtiments artificiels et organiques. La lumière éblouit Jag, qui vit l’univers à une échelle différente, comme si les plus grands vaisseaux étaient des quasars et les plus petits des amas galactiques – mais se déplaçant à une vitesse des millions de fois supérieure à la normale.

Tirant Jag de sa rêverie, un skip explosa à tribord. Le jeune homme se morigéna : au combat, il n’y avait pas de pitié pour les rêveurs…

— Faites attention à vous, chef…

C’était la pilote d’aile Y que Soleils Jumeaux avait recrutée sur Bakura. Elle avait prouvé sa valeur contre les Ssi-ruuk, et s’était proposée pour occuper une des places libres. Elle venait de pulvériser le skip qui menaçait Jag.

— Merci, Neuf. (Il visa un autre skip.) Il s’est glissé derrière moi sans que je le voie.

— Il y en a un autre sur vos arrières, Un, dit Quatre.

Jag exécuta une spirale serrée et sortit sur un vecteur différent. Il augmenta un peu le réglage de ses amortisseurs d’inertie avant de tirer sur un skip qui le dépassa avec une soudaineté alarmante. Son tir fut absorbé par un basal dovin. Le skip qui le suivait explosa.

— Merci infiniment, Quatre, dit-il.

— Vous auriez fait la même chose pour moi, répondit le pilote chiss.

— C’est sûr !

En temps ordinaire, Jag n’aurait pas toléré de bavardages entre ses pilotes. Mais, avec une équipe composée de membres de l’Alliance et de Chiss, un peu de relâchement aidait les pilotes à mieux fonctionner ensemble dans les circonstances les plus éprouvantes, comme celles-ci…

— Ne prenez pas de risques, ordonna-t-il à son escadron. Nous sommes là pour protéger le Sélonia. Avec le Faucon, nous sommes tout ce qui se dresse encore entre le Kur-hashan et lui.

— Bien reçu, Un, répondit Trois. Où est le Faucon, au fait ?

Jag consulta un écran, cherchant le cargo, assez difficile à repérer. Mais le temps pressait… La résistance des Yuuzhan Vong se renforçant, il se retrouva engagé dans trois combats simultanés. Souriant, il se concentra sur sa survie. Pour lui, rien n’était plus gratifiant que d’affronter un adversaire de valeur. Jusque-là, la flotte yuuzhan vong avait semblé désorganisée, ses adversaires éliminant les skips avec facilité. Mais cet avantage temporaire avait maintenant disparu.

Jag réfléchit aux failles de l’ennemi. Si Pellaeon traquait cette force, ça suggérait qu’il s’agissait de celle qui avait attaqué Bastion et Borosk dans l’espace impérial… Les Yuuzhan Vong avaient subi de lourdes pertes, et le rapport yammosk/chasseur avait sûrement baissé. Les pilotes de l’Alliance essayaient toujours d’éliminer la tête.

En attendant, les coraux skippers étaient aussi nombreux que des gouttes de pluie. A un contre un, les pilotes de l’Alliance Galactique, plus polyvalents, étaient meilleurs que les Yuuzhan Vong. Mais à un contre dix, Jag se sentait déjà beaucoup moins confiant…

Pendant que les Yuuzhan Vong défendaient leurs yammosks, ils ne bombardaient plus la planète. Quand Jag jeta un coup d’œil vers le bas, il vit le Faucon, profitant du calme relatif, entrer discrètement dans l’atmosphère d’Esfandia.

Jag eut à peine le temps de s’interroger sur les intentions de Yan et de Leia avant que le Kur-hashan lui bouche la vue.

Peu importe. Quoi qu’ils veuillent faire, nous le saurons bientôt…

 

Quand Ngaaluh fut installée dans ses appartements, Nom Anor et son entourage s’éclipsèrent, remplacés par trois Honteux qui servaient le Prophète, pour que personne ne remarque leur absence. Peu importait que leur aspect soit différent : personne ne regardait les Honteux de près.

Loin sous les quartiers de la prêtresse, accessible seulement par des passages secrets – et à grand renfort de mots de passe –, une série de sous-sols avaient été transformés selon les goûts d’un Yuuzhan Vong. Même la philosophie Jedi n’aurait pas pu convaincre un Vong de vivre dans un cercueil de matière inorganique. Nom Anor inspecta ses nouvelles salles d’audiences, les jugeant satisfaisantes. Elles étaient austères et sécurisées. Le fauteuil-trône occupait le centre, sur une estrade visible de tous pendant les sermons. Le rôle du Prophète était crucial. Il convenait de le jouer dans les règles – avait dit Nom Anor à Shoon-mi, gardant pour lui le sentiment de pouvoir que ça lui procurait.

Après un repas sur le pouce à base de chauve-souris-faucon crue, Nom Anor se retira dans une salle privée. La philosophie Jedi, évolutive, demandait à être constamment réévaluée et adaptée. Il fallait empêcher les fidèles d’agir précipitamment quand tout semblait aller bien, les encourager à persévérer après les échecs et équilibrer sans cesse les factions, les besoins et les objectifs divergents.

Les serviteurs que Nom Anor laissait derrière lui jouaient un rôle clé dans la traduction de ses volontés en actes. Certains avaient été choisis par Shoon-mi pour leur dévouement fanatique au Prophète, d’autre par Kunra pour leur clarté de raisonnement. D’autres encore avaient été sélectionnés par Nom Anor lui-même, qui avait décelé en eux une compréhension parfaite de la philosophie qu’il prônait. Ils servaient de « prophètes délégués » au nom de Yu’shaa, car il lui était matériellement impossible d’être partout à la fois. Et les hérétiques voulaient tant de réponses ! Quels étaient les buts du mouvement, en plus de la liberté pour les Honteux ? Ejecter Shimrra du trône de seigneur suprême était-il le but ultime, s’il refusait d’accepter leurs exigences ? L’hérésie Jedi remplacerait-elle la Grande Doctrine des Yuuzhan Vong ? Comment les dieux et les anciennes mœurs s’intégraient-ils à l’hérésie ?

Nom Anor en avait assez de toutes ces questions, mais elles étaient sa seule manière de progresser, voire de survivre. Rejeté par Shimrra, il n’avait plus que ce moyen d’arriver au pouvoir : l’Hérésie Jedi. Qu’il n’y croit pas lui-même importait peu. Mais il fallait que ses fidèles y croient, et c’était là que les prophètes délégués entraient en jeu.

La conspiration apporterait-elle vraiment la liberté aux Honteux, même de façon indirecte ? Nom Anor en doutait. Il utilisait simplement le mouvement pour nuire à ceux qui l’avaient destitué. Formé aux activités secrètes, même s’il avait surtout utilisé ses talents contre les infidèles, il pouvait tout aussi aisément les retourner contre ses semblables.

Parfois, au cœur de la nuit, il se demandait ce que l’avenir lui réservait. L’Hérésie Jedi réussirait-elle à lui rendre une place d’honneur dans la société, ainsi qu’aux Honteux ? Se perdrait-il derrière le masque de Yu’shaa le Prophète, pris au piège de l’apparence qu’il avait adoptée pour se libérer ?

Ngaaluh vint le rejoindre dès qu’elle le put, pour parler des développements récents, à la surface. La prêtresse sentait bon l’encens, mais elle était épuisée par sa journée, après avoir maintenu sa façade avec une diligence sans faille.

— J’ai reçu des nouvelles de la cour de Shimrra, dit-elle en s’asseyant avec un soupir de lassitude. Le haut prêtre Jakan a assuré le seigneur suprême que la chute de l’hérésie était imminente.

— Il est trop confiant en lui, ou c’est un imbécile, commenta Nom Anor.

Il ne portait pas de masque. Ngaaluh connaissait sa véritable identité, mais ça ne diminuait pas sa foi. Persuadée du bien-fondé de l’hérésie, elle ne doutait pas de pouvoir convertir un vieux requin comme l’ancien exécuteur.

— C’est un imbécile, dit Ngaaluh. Mais il a des plans.

— Comment Jakan entend-il se débarrasser de moi, cette fois ? demanda Nom Anor, amusé.

— Il veut mettre en place une interdiction totale d’accès aux niveaux inférieurs. Une fois évacué le personnel autorisé, il veut lâcher des rayons-épines sauvages dans les tunnels. Les modeleurs augmenteront leur mobilité, leur fécondité et leur appétit, pour qu’ils se reproduisent et tuent sans arrêt. Jakan a prédit que tout ce qui vit ici serait détruit en quelques semaines.

Nom Anor éclata de rire.

— Et qui détruira les rayons-épines ensuite ? Qui les empêchera de s’échapper et d’envahir les niveaux supérieurs ?

— Un autre plan consistait à inonder les tunnels de gaz corrosif, dit Ngaaluh. Mais le gaz risquait de ronger les fondations et de faire s’effondrer la planète sous nos pieds.

Nom Anor rit de nouveau.

— Je parierais que certains estimaient le risque acceptable… J’aime qu’ils en soient là. Ça montre que nous les inquiétons.

— J’en suis persuadée, maître. La force et la véracité de nos convictions les condamnent à l’échec. Ils ne peuvent pas nous détruire.

— Mais ça ne les décourage pas…

— Exact, maître. Je les arrêterai de mon mieux.

— Etes-vous parvenue à vous infiltrer dans les corridors de l’intendant Ash’ett ?

— Oui. Il est tel que vous l’aviez décrit, avide et égocentrique. Il débite des platitudes sur les anciens dieux et maudit les Jedi, mais il ne suivrait personne s’il en avait la possibilité. Il croit seulement en lui-même.

Une analyse pertinente, pensa Nom Anor, et qui lui aurait tout aussi bien convenu, si Ngaaluh avait su toute la vérité.

— Vous êtes donc d’accord : il doit disparaître.

— Une fois qu’il sera écarté, un sympathisant de notre cause lui succédera. Je placerai nos agents dans son équipe, et j’assurerai sa destruction.

— Excellent.

Le Prophète était ravi. Le préfet Ash’ett, son vieux rival, n’avait pas hésité à écraser ceux qui le gênaient – y compris Nom Anor. Comme beaucoup de ses anciens rivaux, sur Yuuzhan’tar, il s’était élevé dans la hiérarchie. Ce pouvoir aurait dû appartenir à Nom Anor. Mais Ash’ett paierait…

— J’ai identifié un autre être indigne, continua Nom Anor. Quand nous aurons terminé ici, nous irons à Gileng, où un certain Drosh Khalii s’est engraissé grâce à la guerre.

Ngaaluh eut un signe d’approbation.

— Le dur travail de la révolution est toujours à refaire, dit Nom Anor.

— Nous progressons, maître.

— En effet. Autre chose ?

— Oui, maître.

— Je vous écoute.

— J’ai entendu des rumeurs à la cour…

— C’est habituel…

— On y parle souvent des Régions Inconnues, comme les Jeedai les appellent. Les missions censées s’y dérouler n’ont pas de rapport avec les Chiss, mais avec autre chose.

— De quoi s’agit-il ?

— Je n’en suis pas sûre, maître. J’ai eu peu de détails.

— Des bavardages sans intérêt, trancha Nom Anor. J’ai déjà entendu ça cent fois…

— Moi aussi, maître. Mais ces rumeurs sont insistantes. Quelque chose se trame. Les ennemis de Shimrra s’agitent.

— Nous pourrions peut-être les utiliser à notre avantage, dans ce cas.

Tout ce qui pouvait distraire Shimrra de l’hérésie était bon à prendre.

— D’après une de ces rumeurs, une mission est revenue des Régions Inconnues après une très longue absence. A son retour, le commandant fut étonné de découvrir que nombre de ses officiers supérieurs avaient été remplacés.

Pas si étonnant que ça, pensa Nom Anor. L’espérance de vie des officiers décroissait à mesure qu’on se rapprochait du sommet de la hiérarchie.

— Continuez.

— Le commandant, Ekh’m Val, a sollicité une audience du seigneur suprême. Il s’est vanté d’avoir trouvé Zonama Sekot, la planète perdue.

— Zonama Sekot ? Mais c’est une légende !

— Pas d’après Ekh’m Val.

— Qu’est-il arrivé quand il en a parlé à Shimrra ?

— Je l’ignore. Il semble que le commandant Ekh’m Val ait disparu.

— Vraiment ? Peut-être a-t-il menti, et payé le prix de la félonie.

— Peut-être… Mais la rumeur persiste. Il peut y avoir du vrai.

— Pensez-vous que ce soit important ?

— Mon instinct me souffle que oui. Les Jeedai nous enseignent d’écouter ce genre d’intuition.

Nom Anor faillit lever les yeux au ciel.

— Bien. Alors, écoutez votre instinct. Et rapportez-moi tout ce que vous apprendrez d’important.

— Bien entendu. Je suis votre obéissante servante.

Ngaaluh lissa sa robe et attendit. Nom Anor lui lança un compliment comme un os à un chien.

— Vous faites de l’excellent travail, Ngaaluh. Votre don pour la tromperie est admirable.

Ngaaluh ricana.

— J’ai du mal à m’empêcher de hurler ma colère face aux atrocités que Shimrra commet contre la vérité.

— Nous sommes fiers de votre persévérance.

— Parfois, c’est difficile…

— Vous devriez vous reposer, dit Nom Anor.

Ngaaluh avait l’air épuisé – mentalement et physiquement. Lui aussi avait besoin de calme.

— Retournez dans vos appartements, et prenez une bonne nuit de sommeil.

Ngaaluh se leva péniblement.

— Notre bataille se déroule bien. J’ai bon espoir que nous arrivions bientôt à nos fins.

Il lui fit un sourire fatigué.

— Partez, maintenant, mon amie.

Ngaaluh s’inclina et quitta la pièce. Elle était à peine sortie qu’on frappa à la porte.

— Oui ?

Le Prophète attendait Kunra, mais Shoon-mi apparut.

— Pardonnez-moi, maître, de vous importuner à cette heure tardive.

Nom Anor fit un geste irrité.

— Qu’y a-t-il ?

— Je me demandais si je pouvais vous apporter quelque chose.

— Si c’était le cas, je t’aurais appelé.

— Comme vous n’avez pas réclamé votre dîner…

— Je n’avais pas faim, c’est simple. J’avais du travail.

Shoon-mi s’inclina.

— Pardonnez-moi, maître. J’avais seulement votre bien-être à l’esprit.

— J’apprécie, mais maintenant, je dois me reposer.

— Bien, maître.

Revenu près de la porte, Shoon-mi se retourna comme s’il avait oublié quelque chose.

— J’ai pris la liberté d’emporter votre masque pour le faire rafraîchir.

— Mon masque ?

Nom Anor regarda près de son lit, où le masque ooglith était normalement pendu. Le visage du Prophète avait disparu.

— Très bien, il commençait à se fatiguer. Bonne idée, Shoon-mi.

— Je vous le ferai rapporter demain matin, à temps pour votre première audience.

A l’idée de devoir recommencer si vite la ronde des audiences, la fatigue s’abattit sur Nom Anor. Il lui restait un long chemin à parcourir avant de redevenir libre…

— Désolé, maître, je bavarde alors que vous devriez vous reposer. Etes-vous sûr que je ne peux rien pour vous, avant que vous vous retiriez pour la nuit ?

— Non. Je t’appellerai au besoin.

Shoon-mi parti, Nom Anor verrouilla la porte pour ne plus être dérangé. Il entendit des murmures, Shoon-mi et Kunra paraissant se disputer.

Qu’ils se battent, pensa-t-il en allant s’allonger. Ça les occupera…

Il s’endormit rapidement, et rêva d’un Vong aux cicatrices pourrissantes. Deux implants mqaaq’it remplaçaient ses yeux, lui conférant un étrange air d’autorité. L’image gronda… Nom Anor se réveilla.

Le visage était un reflet du sien, mais il arborait les yeux de Shimrra… Frissonnant, Nom Anor tira les couvertures sur lui. Mais le sommeil s’obstina à le fuir.

Il resta éveillé jusqu’à l’aube.

 

— On y est presque, dit Yan, plongeant le Faucon dans l’atmosphère turbulente d’Esfandia.

Le vieux cargo fendait les gaz gelés avec toute la grâce d’un ronto.

Cramponnée aux accoudoirs de son siège, Leia aidait Yan de son mieux. Elle n’était jamais entrée dans une atmosphère aussi dense, à part celle d’une géante gazeuse. De plus, la chaleur du Faucon faisait exploser l’air glacial – sans parler des taches de chaleur laissées par les bombardements des Vong.

Leia doutait qu’Esfandia ait connu un tel apport d’énergie depuis des millénaires.

— On y est presque, répéta Yan, comme un mantra.

En fait, il parlait à son vaisseau plus qu’aux passagers…

Ils s’étaient glissés assez facilement le long de la flotte yuuzhan vong. Dans le feu de l’action, un vieux navire feignant de tomber en vrille n’attirait guère l’attention. Ensuite, il suffirait de se mettre à couvert sans trop changer de direction.

— C’est vraiment une de tes idées les plus farfelues, commenta Droma, agrippé aux deux sièges arrière pour ne pas perdre l’équilibre. Si c’est possible, tu es devenu encore plus casse-cou, depuis la dernière fois que je t’ai vu !

— Mais je pilote bien, non ? fit Yan en se concentrant.

— Jusque-là, oui, répondit Droma. (Il désigna la verrière.) Mais ça fait une sacrée quantité de boue, là dehors !

— Nous avons effectué un scan de la surface, assura Yan, très calme. On ne va pas se jeter contre une montagne !

— A nous de trouver la station, c’est ça ? demanda Droma, sarcastique.

— Ouais…

— Avant que quelqu’un ne nous lâche une bombe dessus…

— Ou qu’on nous suive jusqu’à la station, renchérit Leia.

Dans l’atmosphère glaciale de la planète, les moteurs du Faucon étaient aussi repérables qu’une nova.

— Il nous suffit de lancer quelques missiles à concussion en chemin, ricana Yan. Leurs signatures de chaleur perturberont les relevés de ceux qui nous observeraient éventuellement, en orbite. De plus, l’air chaud s’élève. Si nous nous enfonçons assez profondément, les couches supérieures nous dissimuleront.

— Tu en es sûr ? demanda Droma.

— Je parierais ma vie dessus.

— Et la mienne, fit le Ryn. C’est bien ce qui m’ennuie…

— Remets-t’en à moi, d’accord ? Je sais ce que je fais.

Leia serra plus forts les accoudoirs de son siège. Elle avait trop souvent entendu son mari dire ça…

— Et maintenant, continua Yan, où est cette fichue station, à votre avis ?

Leia regarda devant elle… Il n’y avait rien. Sur l’écran filait un brouillard orange. La carte radar suggérait un vaste bassin d’irrigation. Impossible ! L’eau n’avait jamais coulé sur Esfandia, excepté à l’intérieur de la base… Ces profondeurs glaciales n’avaient jamais connu la vie, et si le Faucon cessait de les protéger, ils seraient tous tués dès que…

Leia sursauta. Une tache orange vif en forme de fleur venait d’« éclore » sous ses yeux. Elle disparut aussi promptement.

— C’était quoi, ce truc ? demanda Droma, l’air aussi étonné que Leia.

— Je l’ignore, répondit Yan. Et je ne retournerai pas en arrière ! A l’est, il y a une série de canaux profondément encaissés. Je diminue notre vitesse pour voir ça de plus près. Quand nous serons au bord, Leia, envoie un missile pour couvrir nos traces, d’accord ?

— Combien de missiles avons-nous ? demanda Droma. Trouver la station demandera peut-être du temps…

— C’est une petite planète, dit Yan.

— Pas tant que ça. Et souviens-toi que les Vong ne sont pas loin.

— Alors, pressons ! s’exclama Yan. Tu es prête pour le missile, chérie ?

Sur la carte radar, Leia visa la masse orange et enclencha un minuteur programmé. Traçant un arc derrière lui, le missile disparut dans le lointain.

Yan rasa les murs du canyon, plongeant vers le bas. Leia aperçut deux autres objets bizarres en forme de fleurs. Qu’était-ce ? Des poches de gaz ? Des agglomérats cristallins ? Des amibes ? En tout cas, c’était fragile : à la poupe, Leia vit des tramées immatérielles bientôt dissipées par les émissions des moteurs du cargo.

Le fond du canyon arriva à une vitesse incroyable, mais la vue ne changea pas.

— Je coupe les moteurs principaux, annonça Yan. Nous revenons aux répulseurs.

Leia garda les yeux rivés sur les détecteurs, mais il n’y avait pas grand-chose à voir. Le fond du canyon était plus foncé et nu que le reste. Bien que légèrement plus élevée qu’ailleurs, la température restait très froide. La surface d’Esfandia ne verrait probablement jamais les étoiles. Son sol rocheux, peut-être composé de gaz carbonique gelé, était hérissé de formes étranges si fragiles qu’un simple rayon de soleil aurait suffi à les vaporiser.

— Vous voyez quelque chose, là dehors ? demanda Yan.

— Rien, souffla Droma. De quelle taille est cette base ?

— Cinquante mètres de côté, répondit Leia, sans compter les poteaux.

— Dans ce cas, on la remarquerait. Nous ne la verrions peut-être pas, mais nos détecteurs la repéreraient.

— Même enterrée, nous la remarquerions si nous étions tout près.

— Donc, elle n’est pas là, déduisit Solo. Du moins, pas dans ce canyon. (Il désigna un réseau plus grand, au sud de leur position présente.) Je suggère d’explorer là-bas. A moins que quelqu’un ait une meilleure idée…

Leia se sentit découragée. La base pouvait être n’importe où ! Ils pourraient la chercher des mois, sans jamais la trouver…

— Nous aurons peut-être de la chance, dit-elle pour se remonter le moral.

— Un moment, fit Droma. Il y a quelque chose sur les fréquences com… Augmentez le balayage.

Quand Yan obéit, un faible sifflement se fit entendre. Au début, Leia pensa à un bruit sans signification, puis elle écouta mieux.

— On dirait une communication numérique, dit Yan, lui enlevant les mots de la bouche.

— La base ?

— Je n’en suis pas sûr. Je n’arrive pas à me verrouiller dessus. Le signal semble venir de plusieurs endroits à la fois. Probablement des échos sur les parois du canyon…

— Mais c’est bien un signal ? demanda Droma.

Leia écouta.

— Je ne reconnais pas le protocole de transmission. Yan ?

— C’est du Kubazien pour moi. Où est Bâton d’Or ? Il pourrait traduire.

— Il s’est mis en veille pendant le voyage, répondit Droma. Il reste assis dans la soute avec vos deux gardes noghri. Ces trois-là ne sont pas très loquaces…

— Ne reste pas là à jacasser, Droma, dit Yan. Va le réveiller ! Et inutile d’être trop gentil avec lui : il sait qu’il ne devrait pas dormir à un moment pareil !

Leia n’était pas d’accord. Le droïd avait conscience qu’il y aurait des problèmes sur Esfandia. Elle ne lui en voulait pas de s’isoler un moment.

— Yan, tu crois que ça marchera ?

— Pendant que tout le monde est distrait, là-haut, ça vaut le coup d’essayer. Et si ces signaux viennent vraiment de la base…

Une tape, sur l’épaule, l’interrompit. Droma se pencha et désigna un écran de télémétrie.

— Regardez !

L’écran montrait la bataille spatiale, au-dessus d’eux. Un groupe de skips yuuzhan vong échappa aux chasseurs impériaux et plongea dans l’atmosphère d’Esfandia.

— On dirait qu’on a de la compagnie, commenta Yan.

Leia n’en fut pas étonnée. Il était logique que les Yuuzhan Vong essaient la même tactique qu’eux.

— Pourquoi rien n’est-il jamais facile, Leia ? demanda Yan.

Leia sourit.

— Si tout l’était, Yan, tu serais encore plus soupçonneux…

 

Autour de Saba, tout irradiait la vitalité. Chaque bouffée d’air lui transmettait la force primale de la planète, qui se répandait dans chacune de ses cellules. Dans le tampasi, autour d’elle, le cycle de la vie et de la mort était constamment en jeu. Des insectes iridescents glissaient de branche en branche, en quête du pollen des fleurs géantes. De temps à autre, d’élégantes créatures à six pattes sautaient des feuilles pour les gober avec leurs longues langues luisantes. A leur tour, ces créatures étaient mangées par des oiseaux translucides à longues plumes qui apparaissaient parfois entre les boras en poussant des cris aigus.

Saba ne s’en lassait pas. Elle aurait voulu ingérer ce monde entier et devenir une avec lui. A ses côtés, Soron Hegerty parlait des Ssither, une race saurienne qu’elle avait étudiée des années plus tôt, mais Saba l’écoutait à peine. Elle sortit de son brouillard quand une étrange obscurité l’enveloppa.

Elle leva la tête, et constata qu’il ne s’agissait pas d’un dirigeable, comme elle l’avait cru. L’obscurité était totale.

— C’est quoi ? demanda-t-elle.

— Mobus, répondit Soron Hegerty. Nous sommes passés dans sa zone d’ombre.

Saba comprit. Inutile de voir la géante gazeuse pour savoir que le soleil avait sombré derrière l’horizon.

— Nous appelons ce lieu le Sanctuaire, dit Rowel, ses yeux scintillant dans le crépuscule.

Le peuple de Zonama Sekot avait longtemps cherché un lieu sûr. Maintenant, les Ferroans étaient de nouveau envahis. Que ressentaient-ils ? Et quoi d’étonnant à ce qu’ils se montrent méfiants ?

Ils avancèrent dans le tampasi, aussi silencieux que le monde qui les entourait. Malgré l’obscurité, ils progressaient sans peine, car les branches des boras étaient éclairées par des insectes émettant une bioluminescence vert pâle. Saba retint son souffle : un nouvel écosystème s’anima devant elle quand les animaux diurnes laissèrent la place aux nocturnes.

Le soleil reparut une heure plus tard, alors qu’ils approchaient d’un village ferroan. Saba fut mélancolique à l’idée que leur voyage dans le tampasi s’achevait.

— Difficile d’imaginer que les boras deviennent si grands en si peu de temps, dit Jacen. Chez nous, il faudrait des milliers d’années pour qu’un arbre atteigne cette taille…

— Pourquoi votre monde mettrait-il si longtemps à vous donner ces trésors ? Quel serait l’intérêt d’attendre, si ses habitants n’avaient pas le temps d’apprécier sa beauté ?

Jacen sourit et Saba siffla doucement. Pour Rowel, les planètes étaient des créatures vivantes et pensantes, pas seulement des endroits où résider. Ce que la plupart des gens auraient trouvé normal était bizarre à ses yeux.

Darak les conduisit vers une série d’habitats en forme de champignons réunis à la base d’un bora. Chaque maison avait un pilier central haut de deux étages, et un toit qui descendait jusqu’au sol. Les murs étaient souples, un peu comme du caoutchouc, et les portes et les fenêtres avaient l’air d’avoir poussé, non d’avoir été taillées.

A cause de la ressemblance avec la technologie organique des Yuuzhan Vong, Saba se sentit mal à l’aise.

Darak les fit entrer dans la plus grande des habitations.

— Nous nous y retrouverons dans une heure, au coucher du soleil, dit-elle.

Darak et Rowel partirent, laissant les visiteurs s’installer.

Au rez-de-chaussée les attendaient des tables lestées d’assiettes pleines de nourriture. Le premier étage était accessible par un escalier en spirale, autour de la tige centrale.

— Fascinant, commenta Hegerty.

L’estomac de Saba gronda. Elle plongea une griffe dans un bol de substance blanche et la goûta.

— Alors ? demanda Danni.

— Ça ne semble pas empoisonné, répondit la Barabel.

— Si on nous avait voulu du mal, souligna Mara, je ne vois pas l’intérêt d’attendre que nous arrivions ici…

— Elle a raison, dit Luke. Nous tuer pendant notre évanouissement aurait été un jeu d’enfant.

Danni goûta le contenu d’un autre bol : des sortes de noix vertes.

— C’est bon, dit-elle.

Jacen, Mara et Hegerty les rejoignirent autour de la table.

— Il est clair que les choses ont changé depuis le séjour de Vergere, ajouta Luke. Soyons prudents. Et préparons-nous à la rencontre de tout à l’heure.

Saba trouva difficile de contenir son excitation. Ils étaient sur Zonama Sekot ! Ils avaient atteint l’endroit indiqué par Vergere, une planète qui serait peut-être la clé de la victoire sur les Yuuzhan Vong !

Mais que les Vong aient aussi trouvé la planète n’était pas bon signe… Saba se consola. Ils n’étaient pas prisonniers, et il n’y avait pas de gardes, dehors.

Cela dit, la sécurité ne voulait peut-être plus dire grand-chose sur une planète qui pouvait surveiller tout ce qui se passait à sa surface…

 

Jacen allait prendre encore un peu de nourriture quand il remarqua trois enfants, sur le seuil de la porte. Ils disparurent avec un gloussement dès qu’ils se surent repérés.

— Il est agréable de voir que tous les Ferroans ne nous méprisent pas, commenta Mara.

Jacen allait répondre, mais Saba grogna.

— Qu’y a-t-il ? demanda Mara.

— C’est étrange…, répondit Saba. Je perçois Sekot à la surface, mais aussi dessous.

— Moi aussi, renchérit Jacen. Je perçois de la vie autour de nous, mais également dessus et dessous.

— Dans des salles souterraines ? demanda Mara.

— Non. Dans la roche elle-même.

— Ça n’est pas aussi absurde qu’il y semble, dit Danni.

Certaines espèces de bactéries peuvent survivre très longtemps à d’immenses profondeurs.

— Ce qui expliquerait le système de défense planétaire que nous avons vu à l’œuvre, déduisit Jacen.

— De quelle façon ? demanda Hegerty.

— Vergere avait parlé d’usines biologiques fabriquant des vaisseaux spatiaux, rappela Jacen. Sekot a trouvé le moyen d’utiliser la technologie que les Ferroans ont apportée avec eux en colonisant ce monde, avant qu’il accède à la conscience. Depuis, la vie s’est infiltrée dans la croûte de la planète, et peut-être plus profondément. Sekot peut probablement manipuler toute la planète.

— Par exemple, construire d’immenses moteurs à hyperpropulsion…, dit Hegerty.

— Oui, confirma Jacen, et aussi permettre à la surface de tenir le coup pendant de longs sauts hyperspatiaux, ou infléchir les champs magnétiques à volonté. Sinon, le sol de la planète aurait été entièrement stérilisé.

— Ce que j’aimerais savoir, intervint Mara, c’est d’où vient Sekot. Si la vie peut évoluer ainsi naturellement, pourquoi toutes les planètes ne parlent-elles pas ?

Une question difficile.

— La réponse est peut-être à chercher du côté des Ferroans, suggéra Hegerty.

— Je ne perçois rien de radicalement différent à leur sujet, dit Luke. Ils sont réglés sur les champs vitaux de la planète, mais pas à un niveau symbiotique. Cela arriverait à tout être né et élevé dans un environnement aussi présent dans la Force que l’est Zonama Sekot.

— S’il s’agit d’une mutation très improbable, ça expliquerait pourquoi elle s’est produite une seule fois, dit Danni.

— Oui… Je suis sûr que la Magistère pourra nous apporter des éclaircissements.

— On dirait que tu t’es fait une amie, ajouta Mara en désignant une fillette.

Revenue près de l’entrée, l’enfant regardait Jacen.

Quand il se tourna vers elle, elle lui fit un signe de la main, puis recula.

Il sortit et la repéra près d’un bora.

— Où sont tes amis ? demanda-t-il.

— Ils ont peur, répondit la fillette.

— Ils n’ont pas de raison. (Il tendit la main.) Tu vois ?

— Et ton sabre laser ?

Jacen fut étonné, mais essaya de ne pas le montrer.

— Tu connais les sabres laser ?

— Oui.

— Sais-tu aussi que je suis un Jedi ?

— Les anciens racontent des histoires à votre sujet.

— Que disent-elles ?

La gamine hésita, apparemment inquiète.

— De quelle couleur est le tien ?

— Quelle couleur ? Oh, mon sabre laser ! Tu veux le voir ?

Elle secoua la tête.

— Non ! C’est dangereux !

— Pas entre de bonnes mains. Je ne te ferai jamais de mal, ni à personne ici.

— Les Chevaliers Jedi ont d’autres moyens de faire du mai.

— Que veux-tu dire ?

— Anakin a tué l’Egorgeur sans sabre laser.

Jacen sursauta.

Des mots bizarres… Comment son frère avait-il pu venir sur Zonama Sekot sans qu’il le sache ? A moins qu’il se soit manifesté sous forme de fantôme, comme le professeur de son oncle, maître Kenobi…

— Dis-moi, demanda-t-il doucement, gardant son calme, quel était le nom de l’autre Jedi, celui qui est venu avec Anakin ?

— Obi-Wan Kenobi.

L’enfant le regarda comme s’il était idiot.

— Tescia ! cria une femme. Que fais-tu ? Je t’ai dit de ne pas approcher !

Effrayée, la petite fille détala.

Jacen la regarda disparaître à l’intérieur d’une maison. Le cœur lourd, il rentra raconter à ses compagnons ce qu’il venait d’apprendre.

 

Sur la passerelle du Droit de Gouverner, Gilad Pellaeon assistait à la bataille, qui se déroulait aussi bien que possible. La flotte yuuzhan vong qu’il pourchassait s’était jetée sur Generis avec une fureur sans pareille. Il s’était aperçu de ses intentions en consultant d’anciens rapports des renseignements, apprenant ainsi que Generis était un relais de communication entre les Régions Inconnues et le Noyau. Prises au dépourvu, les forces impériales n’avaient pas pu faire grand-chose, et Generis avait été détruite. Les Yuuzhan Vong étaient aussitôt partis pour Esfandia.

Le commandant chargé de la retraite, B’shith Vorrik, n’était pas un stratège consommé. Il y avait peu de chance qu’il ait tendu un piège à ses ennemis. Et il était peu probable que la disparition de Luke Skywalker dans les Régions Inconnues soit liée à l’attaque. Comment Vorrik aurait-il appris la mission de Luke ?

En attendant, Pellaeon avait l’occasion de répondre à l’insulte des Vong – la destruction du relais…

— Surveillez le flanc nord, ordonna-t-il à ses officiers en désignant le secteur du champ de bataille où les Yuuzhan Vong avaient réussi à se regrouper. Envoyez tout de suite un brouilleur de yammosk !

Il ne s’attendait pas à gagner, mais il entendait infliger le plus de dégâts possibles à Vorrik, pour se laisser le temps de récupérer le matériel et l’équipage du relais. Si les techniciens étaient encore en vie, il les retrouverait.

Il ne partirait pas avant d’être sûr.

— Passez-moi Leia Organa Solo, demanda-t-il.

— Le Faucon Millenium n’est plus sur nos écrans, monsieur.

— Détruit ? demanda Pellaeon.

— Non. Il est entré dans l’atmosphère. Enfin, nous le supposons. Il descendait vers le pôle sud.

Le Faucon volait donc du côté où la bataille était la moins féroce – en bonne position pour éviter d’être repéré par l’ennemi. Que mijotaient les Solo ?

— Passez-moi le commandant de la frégate de l’Alliance Galactique.

— A vos ordres, répondit l’hologramme de Todra Mayn.

L’attitude guindée de la femme fit comprendre à Pellaeon que l’ancienne inimitié entre la Nouvelle République et l’Empire n’avait pas entièrement disparu.

— J’ai une mission pour votre groupe d’attaque, dit-il. Pouvez-vous vous passer de trois chasseurs ?

— Si vous le demandez, monsieur.

— Mais ça vous déplaît ?

— Pour être franche, Grand Amiral, nous infligeons pas mal de dégâts à leur vaisseau de guerre. Avec un demi-escadron pour nous couvrir, je ne suis pas sûre que nous puissions continuer…

— Ne vous en faites pas, je vous donnerai des renforts.

Pellaeon demanda à un officier d’affecter un escadron de Tie au Sélonia. Puis il s’adressa de nouveau à Mayn.

— Capitaine, pensez-vous que l’Alliance Galactique, les Chiss et l’Empire puissent travailler ensemble ?

— Nous le découvrirons bientôt. Je donne l’ordre au colonel Fel de prendre ses ordres directement auprès de vous.

— Parfait. Continuez, capitaine.

La femme salua, l’air un peu moins raide, et coupa la transmission.

— Connectez-moi au colonel Fel, ordonna Pellaeon.

— Jumeaux Un.

— Colonel, j’ai une mission pour trois de vos meilleurs pilotes. Le flanc nord ennemi résiste toujours. J’aimerais que vous renforciez le message que je m’apprête à lui envoyer.

— Oui, monsieur.

— Les Vong ont un yammosk, quelque part dans ce groupe. Nous n’avons pas pu approcher assez pour le repérer, mais nous y travaillons. Quand nous l’aurons localisé, j’aimerais que vous le distrayiez. Pour qu’il ne puisse plus s’occuper de ses vaisseaux.

— Compris, monsieur. D’autres instructions ? Vecteur d’approche, attaques… ?

Pellaeon sourit.

— Non. Pourquoi ne pas me surprendre, colonel ?

Jag fronça les sourcils.

— Vous surprendre, monsieur ?

Jag aurait juré que le Grand Amiral avait gloussé. Mais c’était bien entendu impossible !

— Oui. Cela vous pose un problème, colonel ?

— Non, mais…

— Bien. Obéissez. Nous n’avons pas le temps de discuter !

La communication coupée, Jag en resta comme deux ronds de flanc.

Surprendre le Grand Amiral… ?

Cette notion allait contre tout ce qu’on lui avait enseigné à l’Académie chiss. En principe, une défense coordonnée et logique était la seule façon d’assurer la victoire ! Si tous les pilotes suivaient leur instinct, la bataille dégénérait rapidement en foire d’empoigne.

Surprendre le Grand Amiral…

Un défi ! La façon dont Jag le relèverait prouverait sa valeur – mais aussi celle des forces de l’Alliance et des Chiss…

Et Jag avait déjà une petite idée de la meilleure manière d’aborder la question. A sa place, qu’aurait fait Jaina ?

Il y réfléchit tout en contactant Mayn pour l’informer qu’il laisserait Soleils Jumeaux entre les mains compétentes de Jumeaux Sept. Entraînant Jumeaux Quatre et Huit avec lui, il s’éloigna de la zone des combats aériens, autour du Sélonia.

Les forces impériales envoyaient des flots de télémétrie. Elles se battaient sur plusieurs fronts, cherchant à détourner les Yuuzhan Vong de la base de relais. Des débris de toutes sortes s’étaient accumulés dans l’espace. Certains tombaient dans l’atmosphère, constellant le ciel noir de traces brillantes.

Jag espéra que le Faucon saurait s’en abriter.

Surprendre le Grand Amiral…

Une corvette et un analogue de croiseur yuuzhan vong tournaient en orbite basse autour de la planète, sur le flanc nord. Le yammosk était probablement dans un de ces deux vaisseaux, défendus par des essaims de coraux skippers. A un contre quatre, les Tie essayaient d’enrayer la progression de leurs ennemis. Dès qu’ils se seraient organisés, l'Inflexible, le deuxième destroyer de Pellaeon, serait vulnérable sur ce flanc, ainsi que la planète et le relais. Et, si le relais tombait, la bataille n’aurait plus aucun sens…

Jag mesurait toute l’importance de ce secteur. Mais envoyer trois chasseurs contre une corvette, un croiseur et d’innombrables coraux skippers était de la folie pure. Qu’était-il censé faire ? Eperonner le croiseur ? Même s’il traversait le champ protecteur des basal dovins, que pourrait un seul petit chasseur contre un vaisseau de cette taille ?

Que ferait Jaina ? se redemanda-t-il.

Puis une idée lui vint. Absurde à souhait, elle semblait convenir parfaitement à la situation…

Ce n’était pas le genre de tactique qu’il aurait normalement employée, mais une solution pour le moins surprenante.

Il contacta Jumeaux Quatre, laissant délibérément de côté le formalisme chiss.

— Jocell, vous êtes d’humeur à livrer un duel ?

— Je ne suis pas sûre de ce que vous entendez par là, monsieur, mais je suis toujours prête à me battre.

— Il ne s’agira pas de n’importe quel duel, précisa Jag.

Sur le flanc nord, il repéra une canonnière vong agonisante, un côté brûlé, l’autre perdant rapidement sa chaleur dans le vide spatial. Elle se déplaçait en orbite elliptique, dans la direction qu’il souhaitait. Il s’en approcha, suivi par ses équipiers.

— Maintenant, il nous faut des skips.

— J’en déduis que vous avez quelque chose à l’esprit, monsieur ? demanda Enton Adelmaa’j – Jumeaux Huit.

— Oui, répondit Jag sans s’expliquer. Comportez-vous de façon normale, et ne soyez pas étonnés si je pars en vrille. Couvrez-moi, en vous assurant que personne ne me tire dessus pendant que je fais le mort.

— Comment saurons-nous que vous n’êtes pas réellement mort ?

— Au bout du compte, vous le verrez bien.

Jag vérifia ses calculs. Oui, ça pouvait marcher. Il n’avait pas l’habitude de se fier au hasard, mais pour une fois, il le ferait. Cette idée lui valut un frisson de plaisir. Ça surprendrait Pellaeon… et ça le surprenait déjà lui-même !

Il se dirigea vers des coraux skippers qui attaquaient un escadron impérial, et envoya ses pensées à Jaina. Ne contrôlant pas la Force, il doutait qu’elle l’entende, mais elle comprendrait. Il l’aurait juré.

Souhaite-moi bonne chance, Jaina !

Il se lança à l’attaque.

 

Jaina se débattait dans l’obscurité. N’ayant jamais connu de fusion mentale comme celle-là, elle croyait « nager » dans de la boue. Le centre de l’esprit de Tahiri, normalement brillant, était comme étouffé.

— Tahiri ?

Jaina chercha dans la « mélasse » la personnalité de son amie. Deux silhouettes se battaient dans le brouillard…

Jaina les vit courir, leurs sabres laser décrivant des traînées brillantes dans l’air. Elle reconnut l’endroit : le vaisseau-monde de Myrkr… là où Anakin avait été tué.

Des statues se dressaient alentour. L’atmosphère empestait la désolation et le chagrin. Dès le début de sa fusion mentale avec la jeune Jedi, Jaina avait été submergée par la douleur qui rongeait Tahiri depuis la mort d’Anakin.

Son paysage intérieur reflétait ce tourment.

Mais pas question de se laisser distraire. Jaina devait rester focalisée sur Tahiri, lui offrir sa force.

Seulement, à qui, de Riina ou de Tahiri, prêterait-elle ses ressources… ?

L’image inversée de Tahiri avait un regard brûlant de haine. Elle se battait contre Riina, oui, mais Jaina voyait toujours Tahiri à sa place, avec les cicatrices yuuzhan vong… La seule manière de les distinguer ? La main qui tenait le sabre laser : dans le monde réel, Tahiri était gauchère. Or, Riina tenait son arme de la main droite.

— Tahiri ? Tu m’entends ?

— Grishna br’ok ukul-hai, rugit une voix dans son esprit. Hrrl osam’ga akren juakri vushta.

— Je ne comprends pas, répondit Jaina.

Le visage déformé par la haine, une image de Tahiri surgit du néant. Jaina sursauta, se demandant une fois de plus si elle savait vraiment ce qu’elle faisait. La guérison psychique était le domaine de Cilghal, pas le sien. Elle avait de bonnes intentions, mais… ça ne suffisait pas.

C’est le moment de sortir d’ici, pensa-t-elle.

Mais elle ne parvint pas à briser la fusion. Elle était prisonnière d’un monde de cauchemar !

— As h’nagh urckuul urukh, railla la voix de Riina. Es h tiiri ahnakh !

Voyant Tahiri pourchasser son double, Jaina étouffa un vif sentiment de frustration et de crainte. Elle devait intervenir ! Mais comment… ?

 

Les pensées de Luke auraient dû être ordonnées quand vint le moment de rencontrer la Magistère, mais ce n’était pas le cas. Depuis que Jacen lui avait rapporté les paroles de l’enfant ferroane, il y repensait sans arrêt.

Anakin a tué l’Egorgeur sans son sabre laser…

Il comprenait la confusion de Jacen en entendant ces mots. Au début, lui aussi avait cru que Tescia parlait d’Anakin Solo… Impossible – il l’avait vite compris. Son neveu n’était jamais venu dans les Régions Inconnues. La fillette parlait du grand-père du jeune homme, Anakin Skywalker. Avec Obi-Wan Kenobi, il était venu sur Zonama Sekot avant que la planète disparaisse dans les Régions Inconnues. Mais pourquoi étaient-ils venus là ? Pour chercher Vergere, ou s’approprier la technologie biologique de la planète ? Et que leur était-il arrivé ? Anakin avait-il tué l’Egorgeur en se servant du Côté Obscur ?

Luke trouvait difficile de penser à autre chose, et il y réfléchissait toujours quand Darak et Rowel vinrent leur dire que la réunion allait commencer.

Luke se laissa conduire jusqu’au point de rendez-vous. La nuit était tombée. Des boules bioluminescentes accrochées au bout de longues tiges éclairaient le tampasi.

Ils passèrent entre des rangées de boules avant d’atteindre une grande dépression en forme de cuvette. Des Ferroans – quatre hommes et huit femmes – étaient réunis en cercle autour de la Magistère. Elle seule s’inclina. Ses semblables toisaient les visiteurs avec une hostilité affichée.

Darak et Rowel les firent entrer dans la cuvette, puis la Magistère prit la parole d’une voix douce mais claire.

— Une fois de plus, les Jedi viennent à nous. Et comme toujours, vous nous apportez plus de questions que de réponses.

— Nous allons répondre à vos questions, dit Luke. Et nous aimerions également vous en poser.

Il se demanda pourquoi la Magistère semblait… différente. Sa présence dans la Force était puissante, mais bien moins que sur le terrain d’atterrissage. Cette différence le troubla, sans qu’il sache pourquoi.

La Ferroanne inclina la tête.

— Certains membres du conseil voudraient votre renvoi immédiat par Sekot. De votre propre aveu, vous nous apportez de mauvaises nouvelles. D’ailleurs, vous êtes une menace pour notre manière de vivre…

— Comment ça ? s’insurgea Jacen. Nous ne vous menaçons en rien et ne vous voulons aucun mal !

— A trois reprises, nous avons dû nous défendre, expliqua la Magistère. Or, chaque fois, les Jedi étaient présents. Vous comprendrez que nous nous demandions s’il existe un lien !

— Magistère, dit Luke, si ces attaques sont liées à notre présence, je vous assure que ce n’est pas voulu. Les Etrangers nous ont précédés et leur présence reste un mystère pour nous. Avec votre accord, nous pourrions peut-être vous aider à le résoudre.

— Comment ferions-nous, d’après vous ?

— Pour commencer, en communiquant. Comme je vous l’ai dit, nous venons vous parler de notre ennemi commun, que nous appelons les Yuuzhan Vong. C’est une longue histoire, mais je ne désespère pas de vous convaincre de notre sincérité.

La Magistère réfléchit. Luke perçut de nouveau une différence fondamentale entre leur première rencontre et celle-ci. La Magistère s’était montrée ouverte et curieuse au sujet des Jedi. Maintenant, elle semblait méfiante. Pourquoi ce brusque changement d’attitude ?

Arrivant à une décision, elle s’assit gracieusement sur le sol.

— Je m’appelle Jabitha. Nous vous écouterons.

Elle fit signe à Luke et à ses compagnons de s’asseoir aussi.

Les autres Ferroans restèrent debout.

— Sekot vous invite à parler librement, dit-elle.

Luke inspira à fond et commença son récit par l’invasion de Belkadan, pour terminer par la chute de Coruscant. Il parla des milliards de morts, dans la galaxie, essayant de transmettre ce qu’il avait éprouvé en voyant périr tout ce qu’il chérissait – non seulement le gouvernement qu’il avait contribué à fonder, mais les principes sur lesquels il était basé.

Il parla de la technologie biologique des Yuuzhan Vong, de leur philosophie basée sur la douleur et le sacrifice. Il décrivit la chute d’innombrables mondes, évoquant les plans échafaudés contre l’oppression, et l’espoir des Jedi d’empêcher les peuples de l’Alliance Galactique de commettre un génocide.

Il parla de son amour pour Ben, et de son souhait de voir son fils grandir dans une galaxie en paix.

— Quel rapport avec Zonama Sekot ? demanda Jabitha. Qu’est-ce qui vous a attirés ici, si loin de chez vous ?

— Mon professeur, Vergere, nous a dit que la réponse à nos problèmes se trouvait peut-être sur Zonama Sekot, répondit Jacen.

A son tour, il décrivit leurs recherches à travers les Régions Inconnues, sans oublier la défense de l’Empire et les conflits internes qui divisaient les territoires chiss. Il décrivit le chemin qu’ils avaient suivi pour localiser la planète errante. Comprendre enfin que Zonama Sekot s’était fait passer pour une lune, pas pour un monde avait été la clé de leur réussite.

Intriguée, Jabitha fronça les sourcils.

— Cela n’explique toujours pas pourquoi vous êtes là. Comment Vergere espérait-elle que nous vous aiderions ?

— C’est ce que nous venons découvrir, répondit Mara, contenant son impatience.

— Nous sommes un monde, avec une petite population, dit Jabitha. Que pourrions-nous contre les hordes que vous avez décrites ? Notre force majeure est la défense, pas l’offensive.

— Possible, fit Danni, mais si nous avions disposé dès le début de vos forces défensives, nous aurions peut-être pu repousser les Yuuzhan Vong.

— A vous entendre, Zonama Sekot serait omnipotente ! Ce n’est pas le cas. Certes, elle a réussi à repousser les Etrangers, mais à quel prix ! Cette attaque l’a traumatisée. Nos défenses ne sont pas impénétrables. Sachez aussi que le conflit dont vous avez été témoin a beaucoup troublé Sekot, mentalement, sinon physiquement. La réapparition des Etrangers fut un grand choc. Sekot ne s’y attendait pas. Il n’y avait aucune raison de penser qu’ils rôdaient près de nous. Ils ont voulu nous étudier à notre insu, mais nos détecteurs sont puissants. Les défenses de Sekot s’activant, les Etrangers ont pris cela pour une agression. Et ils ont réagi en conséquence. Nous ignorons qui a porté le premier coup. Mais comme très souvent, la peur et l’incertitude ont déclenché les hostilités. Nous ne voulons pas nous laisser entraîner dans ce genre de spirale.

— Je comprends, dit Luke.

Il restait de nombreuses questions. Il avait cru que les Yuuzhan Vong avaient de nouveau ouvert le feu sur Zonama Sekot…

— Nous ne voulons pas faire courir davantage de risques à Sekot, mais vous devez avoir conscience que vous êtes déjà en danger. Les Yuuzhan Vong ont déjà localisé la planète à deux reprises, d’un bout à l’autre de la galaxie… Ce n’est pas un hasard. Ils vous recherchent. Si un seul vaisseau de leur flotte s’en tire indemne, ils reviendront en masse, et vous ne pourrez plus résister.

— Que devrions-nous faire ? s’écria la Magistère. Vous parlez des horreurs perpétrées par les Etrangers, de leur cruauté… Pourtant, n’êtes-vous pas vous-même en train de planifier leur extermination ? Ne souhaitez-vous pas les éradiquer ?

— Absolument pas, trancha Luke. Nous nous sommes même battus pour éviter que ça arrive, ajouta-t-il, se souvenant du virus Rouge Alpha.

— Les Yuuzhan Vong ne sont pas tous des guerriers sanguinaires, intervint Jacen. Il y a des femmes, des enfants, des esclaves, des parias, des scientifiques et des travailleurs. Autant que nous, ils ont droit à la vie.

— Alors, pourquoi être venus ici ? Quelle aide pouvons-nous vous apporter ?

— Nous devons travailler ensemble à le découvrir.

— Nous devons ? répéta Jabitha. C’est vrai, chacun a droit à la vie et à son libre arbitre… Sekot a décidé de s’isoler de la galaxie quand nos tentatives de commercer en paix se sont heurtées à des agressions. Pourquoi devrions-nous souffrir au nom de ceux qui n’ont pas eu le courage de se libérer eux-mêmes du joug de l’oppression ?

— Parce que la Force vivante l’exige, répondit Jacen.

Jabitha le foudroya du regard.

— Vous osez parler au nom de la Force ?

Le silence tomba sur l’assemblée.

Luke sentit que la situation leur échappait.

Avec l’espoir de retrouver les bonnes grâces de la Magistère, il essaya une autre approche.

— Vous dites que vous avez été attaqués trois fois. Nous sommes au courant de deux de ces offensives, lancées par les Yuuzhan Vong. Qu’en est-il de la troisième ?

— Elle fut lancée par les forces de la République, sous les ordres du commandant Tarkin.

Luke leva un sourcil. Un nom dont il se souvenait trop bien !

— C’est alors que vous avez décidé de fuir ?

— Oui.

— Et c’était la dernière visite des Jedi ? Après celle de Vergere ?

— Oui.

Luke crut sentir un adoucissement chez Jabitha. L’encouragement qu’il espérait…

— Parlez-moi d’eux, demanda-t-il. D’Anakin Skywalker et d’Obi-Wan Kenobi.

L’attente sembla durer une éternité.

— Ils étaient venus chercher Vergere, répondit enfin Jabitha. Les vaisseaux vivants que nous avions autrefois vendus à des clients triés sur le volet les intéressaient aussi. Se faisant passer pour des acheteurs potentiels, ils ont subi un test visant à déterminer s’ils feraient de bons partenaires pour un de nos vaisseaux. Le benjamin, Anakin, était un mystère pour nous. Pendant le rituel, trois partenaires-graines se lient au client pour former la base d’un nouveau vaisseau. Anakin en a attiré douze ! Son navire était vraiment magnifique. La Force étincelait en lui… Il a été brièvement mon ami.

— Vous l’avez rencontré ? demanda Luke, troublé.

— Il m’a sauvé la vie, répondit-elle. Et il m’a révélé la vérité sur mon père.

Luke se souvint soudain des paroles de Jacen.

— Et l’Egorgeur ?

— C’était un tueur chargé d’abattre Anakin. Il s’est servi de moi pour faire pression sur lui. Furieux, Anakin l’a tué par la seule force de son esprit. Jusqu’à cet instant, nous ignorions qu’une telle chose était possible.

— Elle l’est, confirma Luke, refoulant les émotions provoquées par les révélations sur son père. Mais tuer ainsi est mal. Le Côté Obscur est aussi séduisant que dangereux. Les Jedi n’ont jamais entériné son utilisation.

— Pourtant, Anakin y a recouru.

Luke se demanda comment s’expliquer.

— Ça lui a coûté cher, dit-il enfin.

— Vous êtes son fils, n’est-ce pas ? Je ne dis pas seulement ça à cause de votre nom. Il est en vous. (Elle se tourna vers Jacen.) Et en vous, aussi.

— Il était mon grand-père, confirma Jacen.

— A votre arrivée, Sekot a identifié les échos de mon ami… C’est en partie pour ça qu’il vous a été permis d’atterrir. Mais vous parlez des actes d’Anakin comme si c’étaient des erreurs. Nous ne nous souvenons pas de lui ainsi. Il aimait notre monde, et nous ne vous laisserons pas ternir sa mémoire.

— Le Côté Obscur est le Côté Obscur, intervint Mara. Si vous aviez revu le père de Luke, vous ne prendriez plus sa défense aujourd’hui.

— Anakin a agi par bonté. C’est plus important pour nous que les moyens qu’il a utilisés. C’était encore un enfant, et il m’a sauvé la vie !

— Autrefois, j’ai abhorré tout ce que mon père représentait. Maintenant, je suis revenu à de meilleurs sentiments. Il m’a aussi sauvé la vie quand l’Empereur a voulu me tuer. Notre famille a gardé son nom. Si vous le permettez, je considérerai comme mon allié tout ami d’Anakin Skywalker. Mais l’ombre de Dark Vador, l’homme qu’il était devenu en cédant au Côté Obscur, pèse toujours sur nous. Nous avons longtemps et durement combattu son oppression, et nous refusons aujourd’hui de commettre la même erreur que lui pour vaincre les Yuuzhan Vong. Cela rendrait dérisoire tout ce que mon père a défendu au début et à la fin de sa vie.

Jabitha baissa la tête.

L’avait-il convaincue ?

— Il est tard, dit-elle. Vous avez fait un long voyage et vous devez être fatigués. Nous vous fournirons un abri pour la nuit.

— La réunion est terminée ?

— J’ai besoin de parler au Conseil, répondit Jabitha. (Debout en cercle, les Ferroans gardaient un visage fermé.) Nous déciderons s’il y a lieu de continuer ce débat.

— Alors, je vous conseille de bien réfléchir, dit Mara. Les Yuuzhan Vong ne respectent pas les traités, et ils ne font pas de prisonniers. S’ils s’emparent de cette galaxie, ils vous détruiront aussi. Peu importe que Sekot se croie très puissante, elle ne leur échappera pas éternellement. Et quand le désastre s’abattra sur vous, il sera trop tard pour vous chercher des alliés. Nous serons tous morts.

— Les paroles de ma femme sont brutales, mais justes, renchérit Luke. Si vous avez le moindre doute sur les motivations des Yuuzhan Vong, nous vous raconterons en détail les péripéties de cette guerre.

— Ce ne sera pas nécessaire, dit Jabitha. Nous pensons assez bien comprendre la nature de cet adversaire.

La Magistère semblait très fatiguée, et Luke fut de nouveau frappé par la différence flagrante entre leur première rencontre et cette entrevue. Elle avait été vive et pleine d’énergie… Elle semblait maintenant vidée de toutes ses forces.

— Nous reparlerons demain, conclut-elle en se levant.

Darak et Rowel reculèrent d’un pas, brisant le cercle.

Luke aurait aimé rester, mais ce n’était pas le moment de pousser leur avantage. Il s’inclina légèrement, puis entraîna les siens hors de l’amphithéâtre naturel.

Le cercle des Ferroans se referma autour de Jabitha. Ses yeux voyaient des mondes que Luke ne pensait pas pouvoir un jour comprendre.

 

L’image-miroir pivota et affronta Tahiri.

— C’est là !

— Quoi ?

— L’ombre !

Tahiri regarda autour d’elle mais ne vit rien. Riina et elle étaient momentanément unies par la peur de ce qui les traquait. Tahiri sentait ses forces l’abandonner à l’idée de se retrouver face à… elle-même. Elle était fatiguée de se battre. Si elle s’avouait vaincue maintenant, elle rejoindrait peut-être Anakin dans un autre monde… Et peut-être aurait-il la force de lui pardonner…

— Tu pourrais m’assister, murmura Riina tout près de son oreille. Aide-moi à tuer ce monstre.

— Comment ? demanda Tahiri.

— Tu m’as tenu tête. Tu es forte !

Tahiri secoua la tête. Non, elle n’était plus une guerrière. Naguère, ça lui avait coûté le seul être qu’elle eût aimé.

Anakin.

— Je n’ai jamais eu la force de t’éliminer, répondit la jeune femme. J’ai seulement réussi à t’enfouir au fond de moi.

— Tu n’essayais pas de m’abattre, dit Riina. C’est toi-même que tu voulais détruire…

Tahiri aurait voulu nier, mais les cicatrices, sur ses bras, corroboraient les paroles de Riina.

— Et tu sais que je ne te laisserai jamais faire ! ajouta Riina.

— Pourquoi pas ? demanda Tahiri, brûlante de honte.

— Je ne veux pas mourir avec toi.

— Mais tu es déjà morte ! Tu es la mort nichée en moi !

— Et toi la mort froide qui m’entoure, répliqua Riina. Nous sommes liées. Acceptons notre sort.

— Je n’accepterai rien !

Riina avança vers Tahiri.

— Ne crois-tu pas que je t’accorderais la fin que tu désires tant, si je le pouvais ? Hélas, nous sommes liées ! Admets-le ! Je ne pourrais pas vivre dans ce corps sans toi, ni toi sans moi. T’accorder ton souhait le plus cher, c’est me condamner moi-même à mort ! Et je ne suis pas prête à l’accepter.

— C’est impossible, gémit Tahiri.

— C’est réel, et tu dois l’accepter.

— Je ne peux pas.

— Alors, tu ne me laisses pas le choix.

Sabre laser levé, Riina recula de deux pas. Tahiri se raidit, attendant un coup fatal… qui n’arriva jamais. Le sabre de Riina s’envola en jetant un éclair bleu dans l’obscurité.

Stupéfaite, Tahiri suivit le trajet du sabre.

Quand la lame redescendit, Riina tendit la main pour l’attraper. Tahiri vit aussitôt que la jeune Yuuzhan Vong avait mal jugé la trajectoire de l’arme, mais elle ne parvint pas à l’avertir. Elle vit la lame entailler la main de Riina et tomber.

Comme de très loin, avec une douleur aveuglante, Tahiri s’entendit hurler.

 

C-3P0 inclina la tête.

— Tu as entendu ? demanda Yan.

— Oui, monsieur, répondit le droïd. Le signal est très clair.

— Nous n’avons pas encore localisé sa source. Mais peux-tu le traduire ? Et inutile de me rappeler combien de langues tu parles. Dans cette pièce, le seul à ignorer encore tes vantardises, c’est Droma, et il s’en fiche !

— Comme vous voudrez, monsieur.

Leia réprima un sourire quand elle vit C-3PO hocher doctement la tête. Le signal était clair, car les filtres audios du Faucon l’avaient nettoyé de ses parasites. Si C-3PO ne pouvait pas le traduire, personne n’en serait capable.

Pendant que le droïd s’y employait, Yan fit plonger le Faucon dans une autre tranchée. Droma lança un missile à concussion vers une montagne, espérant que l’explosion couvrirait leurs traces. Jusque-là, il n’y avait eu aucune tentative d’interception. Il fallait supposer que cette tactique marchait.

Mais toujours pas de trace de la base…

— La transmission semble être une forme bizarre de langage mécanique trinaire, déclara C-3PO. La grammaire est illogique, et le vocabulaire… très particulier. Cela dit, je suis certain que c’est bien le langage-source.

— Vient-il de la base ? demanda Yan.

— J’en doute, monsieur. A moins qu’elle s’adresse à elle-même.

— Y a-t-il plus d’un signal ? demanda Leia.

— J’en ai identifié au moins dix-sept.

— Dix-sept ? s’exclama Yan. Impossible !

— A moins que ce ne soient des leurres, avança Droma. Prévus pour détourner les recherches…

— A quoi sert un leurre, si son point d’origine reste indétectable ?

— Ça occupe. Les Yuuzhan Vong et nous-mêmes nous retrouvons logés à la même enseigne…

Leia repensa aux silhouettes en forme de fleur qu’ils avaient croisées plus tôt, et une idée lui vint soudain.

— Les transmissions utilisent-elles une variation identique de ce code trinaire ?

— Non, maîtresse. Chaque source de transmission a son propre code.

— Que veux-tu dire ? demanda Yan.

Leia lui fit signe d’attendre.

— Et de quoi parlent ces signaux ?

— Difficile à dire. Certains noms ne me sont pas familiers, et les déclinaisons ont évolué de différentes manières qui…

— Donne-moi ta meilleure estimation, coupa Yan.

— A priori, il serait beaucoup question de la bataille, répondit le droïd. Les perturbations atmosphériques sont sévères en certains endroits, et la flore aurait subi des dégâts considérables.

— La flore ?

— Oui, monsieur. L’écosystème de ce monde est un des autres sujets de conversation, surtout parmi ceux dont les réserves de nourriture sont menacées.

— Les réserves de nourriture ? fit Yan, tourné vers la verrière. Ce qui envoie ces signaux serait un être vivant ?

— Eh bien, oui, monsieur… Je croyais que vous l’aviez compris.

— Mais comment est-ce possible, dans un tel environnement ?

— On a déjà trouvé des formes de vie dans des atmosphères similaires, rappela C-3PO. Celle-là a pu évoluer quand le noyau de la planète était bien plus chaud. Des organismes unicellulaires seront apparus – peut-être même des formes de vie plus grandes.

— Mais tu parles de vie intelligente ! s’écria Yan. Capable de parler !

— Oui, monsieur. Il est aussi possible que ces formes de vie ne soient pas indigènes, mais aient été importées.

Yan regarda Droma.

— Ça n’est pas absurde, dit le Ryn. Si la vie existait ici, elle aurait dû se disperser, car un monde avec un niveau d’énergie si bas n’aurait pas une population très dense. Et il lui faudrait une forme de communication qui couvre de grandes distances. Les fréquences com seraient adéquates.

— Mais… Un code trinaire ?

— Quelqu’un leur a sûrement appris, dit Leia.

— Quelqu’un de la base ? demanda Yan.

— Autrefois, oui… Le langage a eu le temps d’évoluer. (Leia se tourna vers C-3PO.) Peux-tu communiquer avec ces créatures ?

— Je ne vois pas pourquoi ce serait impossible, princesse. Nous avons leurs fréquences com, et je parle une version approximative de leur langue.

Le droïd se pencha vers le communicateur.

— Basse puissance, seulement, ordonna Yan. Et si ces êtres ne savent rien sur la base, pas question de papoter avec eux. Nous ne sommes pas les seuls à écouter.

C-3PO parla d’une voix étrange. Leia essaya en vain de distinguer des mots…

C-3PO se redressa.

— J’ai diffusé une demande d’information sur le vrgrlmrl.

— Le verger-quoi ? demanda Yan.

— Le vrgrlmrl, la station de relais, précisa C-3PO. S’ils répondent, nous saurons que…

Un signal plus fort retentit sur l’unité com.

— Ciel ! fit le droïd, l’air inquiet. Je crois que la traduction n’a pas été fidèle. Ils ont pris ma requête pour une invitation.

— Une invitation à quoi ? demanda Yan.

— Je ne suis pas sûr, monsieur. Mais je peux essayer de nouveau…

— Epargne-nous les détails, grogna Yan. Fais-les parler !

C-3PO lâcha une autre série de vocables étranges. La réponse, presque immédiate, fit penser à de la polyphonie…

— Tu as appris quelque chose d’utile ? demanda Solo.

— Certes, monsieur. Les Brrbrlpp, comme ils se nomment eux-mêmes, forment une espèce sociable, et ils acceptent de nous parler. Ils connaissent la station de relais, mais ils ne nous révéleront pas son emplacement jusqu’à ce qu’ils soient sûrs de nos intentions.

— Qu’attends-tu ? Rassure-les !

— Je l’ai fait, monsieur, mais… J’ai peur qu’il faille plus que ma parole pour les convaincre.

C-3PO hésita, l’air gêné.

— Qu’y a-t-il ? demanda Leia.

— Princesse, pour les Brrbrlpp, nous sommes des assassins, et ils se méfient de nous.

— Des assassins ? Ce n’est pas nous qui bombardons leur planète ! Au contraire, nous voulons faire cesser les bombardements.

— Ils ne parlent pas des bombardements, monsieur. Ils affirment que, depuis notre arrivée, nous avons tué quinze personnes.

— Quoi ? Comment ça ?

— Les voix de leurs amis se sont tues quand ils ont croisé notre chemin.

Leia repensa aux étranges silhouettes qui, passées près du Faucon, s’étaient dissoutes dans la traînée de chaleur des moteurs du cargo.

— Coupe les moteurs ! lança-t-elle à son époux.

— Quoi ? Leia, tu…

— Vite ! Eteins aussi les répulseurs !

Perplexe, Yan obéit. Le Faucon se posa au fond de la tranchée. Leia expliqua alors sa théorie sur la nature de ces êtres.

— Nous ne le savions pas, dit Yan, désolé d’avoir par inadvertance tué autant de créatures intelligentes. Dis-le-leur, C-3P0. Nous ne pouvions pas le savoir !

— J’essaierai, monsieur, mais à leurs yeux, je crains que ça ne change pas grand-chose…

— Il doit y avoir un moyen de les faire changer d’idée.

Leia posa une main sur l’épaule de son mari quand une des silhouettes dériva vers eux. La voyant mieux, la princesse remarqua que ses « ailes » la propulsaient dans l’atmosphère. Une rangée de photodétecteurs dotés de cils entourait les créatures. Sous la chair translucide, un squelette rigidifiait des sortes de « pétales », et des taches plus sombres représentaient probablement les organes.

En dépit de l’absence d’yeux ou de visage, Leia devina que la créature examinait les intrus.

— Peuvent-ils nous nuire ? murmura Droma.

— J’en doute, dit Yan, peu convaincu.

Leia sentit la Force fluctuer légèrement quand une deuxième créature, puis une troisième se présentèrent… Bientôt, le vaisseau fut entouré d’une couronne vivante de ces mystérieuses « fleurs ».

Nous avons tué leurs amis et leurs familles, pensa Leia.

Elle savait qu’un « désolé » ne suffirait pas…

 

Saba sentit l’orage avant qu’il n’éclate. Bientôt, les nuages crevèrent, déversant leur eau sur la cime des boras, poussée par un vent violent.

Les Ferroans avaient remis aux visiteurs des tapis et des couvertures. Après un repas frugal, Jacen, Danni et Mara se reposaient, pendant que Luke et Hegerty reparlaient des événements. Fatiguée, Saba veillait aussi. Se méfiant de leurs hôtes, elle préférait monter la garde. Allongée sur un tapis, les yeux fermés, elle écoutait attentivement la conversation entre maître Skywalker et Hegerty.

— … mentionné le Potentium à Jacen, dit Skywalker. Elle ne lui a pas donné de détails. Je n’en avais jamais entendu parler. Et vous ?

— Moi non plus. Mais l’étude de la Force n’est pas vraiment mon domaine.

— Et les Ferroans ? Qu’est-ce qui m’échappe, à votre avis ?

— Vous avez remarqué leur intolérance vis-à-vis de nous…, répondit la scientifique. Mais comment les en blâmer ? A notre connaissance, ils ont été contactés six fois par des étrangers : trois fois par les Jedi, deux par les Yuuzhan Vong, et une par Tarkin. Là-dessus, trois attaques… où les Jedi étaient toujours présents.

— Je vois ce que vous voulez dire, et je ne leur en veux pas. A nous de les faire changer d’avis… Sinon, notre quête aura été vaine.

Rattrapée par la fatigue, Saba glissait insensiblement dans le sommeil. La respiration des autres l’apaisait, la pluie la berçait… Elle se rappela qu’elle devait monter la garde. Mais maître Skywalker était capable de veiller sur tout le monde. Il n’y avait aucune raison de lutter contre un sommeil réparateur…

 

Jag dévia le tir avec ses boucliers bâbord et fit crachoter ses moteurs comme s’il était touché. Partie en vrille, sa griffe traversa le champ de bataille. Les étoiles tourbillonnant autour de lui, il dut se fier à son instinct.

Tout dépendait de sa capacité à faire croire aux adversaires que sa désorientation était réelle – en maintenant assez de contrôle sur son vaisseau pour éviter d’être véritablement atomisé.

Une fraction de seconde avant de percuter la canonnière ennemie, il tira. L’explosion projeta un jet de corail yorik en fusion au-dessus de la canonnière, l’enveloppant dans un nuage de débris enflammés. Les boucliers et les amortisseurs d’inertie absorbèrent le choc, comme Jag l’avait espéré, et sa griffe freina à l’intérieur du vaisseau ennemi…

Secoué, il lui fallut une minute pour se remettre et vérifier qu’il n’avait rien. Ses boucliers se rechargeaient, son vaisseau était intact, et ses armes fonctionnaient toujours.

Jusque-là, tout allait bien.

Par la verrière avant, il vit un phénomène évoquant le cœur en fusion d’un soleil. L’impact avait libéré une quantité phénoménale d’énergie à l’intérieur de la canonnière. Des morceaux de pont en fusion dérivèrent contre les boucliers, consumés par le peu d’atmosphère qui subsistait dans le vaisseau. En se consumant, des composants organiques lâchaient des nuages de gaz toxiques. Jag espéra qu’une colonne de débris et de fumée sortait du trou qu’il avait fait dans la coque de la canonnière… C’était le plan, en tout cas.

Il cliqua une fois. Il ne voulait pas révéler prématurément sa survie. Il avait dévoilé ses intentions à Jocell et Adelmaa’j, leur indiquant comment réagir. Le clic leur confirmerait qu’il avait survécu. Il en reçut deux en retour. Le plan était un succès ! Les Yuuzhan Vong avaient cru la griffe pulvérisée.

Le jeune homme soupira de soulagement, sentant un nœud de tension disparaître en lui.

Il explora l’épave avec ses radars. Il n’y avait plus signe de vie. Si l’épine dorsale du vaisseau transmettait toujours des données, le cerveau était mort. Certains morceaux de corail yorik survivraient un temps, mais le vaisseau était fichu. Et il lui restait cinq basal dovins, les générateurs de trou noir miniatures que les Yuuzhan Vong utilisaient pour la propulsion, la défense et l’attaque.

Ravi, Jag remit ses moteurs en marche. La griffe se déplaça dans les débris, puis se stabilisa. S’en remettant aux instruments de bord pour s’orienter, il augmenta lentement la puissance. En l’absence d’autres clics de ses équipiers, il devait partir du principe que tout se déroulait comme prévu. Faisant lentement accélérer l’épave de la canonnière, il poussa ses moteurs au maximum.

Un autre clic lui confirma que la colonne de débris dissimulait la traînée de ses moteurs. Si quelqu’un observait la canonnière, il déduirait qu’elle brûlait et s’en détournerait. Il y avait assez d’éléments aptes à détourner l’attention de l’ennemi : les destroyers, les escadrons Impériaux, les deux chasseurs de l’Alliance Galactique qui harcelaient tout ce qui approchait un peu trop…

Pendant ce temps, Jag pouvait passer à l’étape suivante de son plan.

Maniant ses canons laser comme un bistouri, il entreprit de « sculpter » l’intérieur de la canonnière. Evitant avec soin les poutres de soutien, il découpa de grands morceaux d’infrastructure qu’il laissait tomber dans la colonne de fumée. La poussée qu’il était en mesure d’appliquer à la canonnière restait faible, car le vaisseau ennemi avait une masse bien supérieure à celle que ses moteurs propulsaient d’habitude. Dans l’incapacité de changer les paramètres de sa poussée, Jag pouvait néanmoins modifier la masse à laquelle elle s’appliquait. En découpant des morceaux et en les lâchant dans le trou, il augmenterait progressivement l’effet des moteurs de sa griffe. Et l’accélération soudaine de l’épave n’alerterait pas forcément les Yuuzhan Vong. Les débris volants n’étaient pas rares dans les batailles spatiales.

Deux autres clics lui confirmèrent qu’il était sur la bonne voie. Pour le moment, il n’avait pas été repéré. Ses moteurs chauffaient, mais il estima qu’ils maintiendraient la puissance pendant les dix minutes nécessaires.

Il orientait l’épave lentement mais sûrement vers le flanc nord de la bataille. Les débris chauffés au rouge bouillonnaient autour de lui. De temps à autre, il croisait un cadavre qu’il se forçait à ignorer. Un rappel constant que son plan était vraiment dingue !

Mais s’il prenait les Yuuzhan Vong par surprise, ça en vaudrait la peine.

 

— Grand Amiral, Jumeaux Un semble se servir de cette canonnière comme d’un bélier !

Pellaeon ne détourna pas les yeux de l’écran.

— Je vois ce qu’il veut faire, commandant.

— Mais les Yuuzhan Vong disposent de systèmes anticollision au moins aussi bons que les nôtres. Ils ne laisseront pas une épave se jeter sur leurs vaisseaux. A la seconde où ils auront la puce à l’oreille, ils pulvériseront la canonnière ! Qu’espère donc votre tête brûlée ?

— Me surprendre, bien entendu. Et surprendre les Yuuzhan Vong, par la même occasion…

Malgré sa confiance en Jagged Fel, Pellaeon ne pouvait se départir d’une certaine inquiétude. Certes, il avait lancé un défi que le pilote chiss avait choisi de relever… Mais il ne s’était pas attendu à un acte aussi téméraire !

La répartition des belligérants n’avait pas changé. Toujours supérieurs en nombre, les Yuuzhan Vong massaient leurs forces sur le flanc nord. La corvette et le croiseur vong avaient réussi à déjouer toute tentative d’envoyer entre eux un brouilleur de yammosk. C’était un point capital. Si ça se passait mal, Esfandia retomberait entre les mains des Yuuzhan Vong…

Mais Pellaeon était décidé à l’empêcher par tous les moyens. Plutôt éperonner lui-même les vaisseaux vong !

— Des signes du Faucon ? demanda-t-il.

— Non, monsieur. Il doit être sous les couches basses de l’atmosphère.

Devait-il envoyer des renforts ? Les forces de l’Alliance Galactique s’en étaient abstenues… Sans doute par manque de ressources. Dans ce cas, une offre d’assistance serait bienvenue…

L’aide de camp du Grand Amiral contacta Mayn.

— S’il vous faut des renforts, dit Pellaeon, n’hésitez pas.

— Merci, Grand Amiral, mais ce ne sera pas nécessaire. J’ai reçu il y a peu une transmission codée à basse puissance du Faucon, nous demandant instamment de ne plus envoyer pour l’instant d’autres vaisseaux dans l’atmosphère de la planète. J’étais sur le point de vous appeler pour vous transmettre cette demande.

— Solo sait-il que des patrouilles de Yuuzhan Vong explorent la planète ?

— Je l’ai prévenu.

— Et il ne veut quand même pas de renforts ?

— Il est catégorique là-dessus.

— Sait-on pourquoi ?

— Non, monsieur. Le message était bref. Quand sa position sera moins délicate, notre interlocuteur a promis de s’expliquer.

— Et quel est cette position ?

— Je l’ignore, monsieur, répéta Mayn, parfaitement neutre. Le signal était trop diffus et bref pour que nous puissions le localiser. A dessein, je suppose.

Pellaeon fronça les sourcils. Mayn ignorait-elle vraiment la position du Faucon, ou lui cachait-elle l’information sur ordre de ses supérieurs ? Penser que le Faucon cherchait la station de relais était une hypothèse logique. Pas un problème en soi, mais… Pellaeon détestait qu’on lui dissimule des éléments.

— Merci, capitaine. Veuillez me tenir informé de la suite, je vous prie.

— Bien compris, monsieur.

La capitaine du Sélonia coupa la communication. Pellaeon se demanda ce qu’elle ne lui avait pas dit. Se fier à ce groupe de l’Alliance Galactique, comme il l’avait fait pour Luke Skywalker et ses compagnons, était-il de la naïveté ? Certes, Leia Organa Solo était la sœur jumelle de Luke, mais aussi une politicienne accomplie…

— Grand Amiral ?

— Oui ?

— J’ai un message texte du colonel Fel, relayé par Jumeaux Neuf.

— Que dit-il ?

— « Tenez-vous prêt. »

Pellaeon regarda l’écran qui montrait le flanc nord. La trajectoire de la canonnière passait entre deux grands vaisseaux ennemis. Le pilote chiss les raterait…

Soudain, la canonnière explosa.

 

— C’était risqué, Leia, commenta Yan après l’envoi du message au Sélonia. La transmission a peut-être été détectée.

Regardant sur l’écran les êtres que C-3PO avait appelés des Brrbrlpp, la princesse croisa les bras.

— Je sais. Mais nous ne pouvions pas courir le risque de tuer davantage de ces créatures.

— Il y a des Yuuzhan Vong dans l’atmosphère, rappela Droma, sa queue s’agitant nerveusement.

— Je n’oublie pas. Mais je n’ai pas encore décidé que faire à leur sujet.

Un gargouillis bizarre retentit dans l’unité de com.

— Les Brrbrlpp disent qu’il y a maintenant beaucoup d’objets chauds sur Esfandia. Ils veulent protéger leur peuple, mais sans savoir quelle sera la prochaine cible, ils ne peuvent pas mettre tout le monde à l’abri.

Leia comprenait le problème. Il existait une seule solution, mais elle ne l’appréciait pas particulièrement. Qu’est-ce qui importait le plus : la station de relais et les communications avec les Régions Inconnues, ou la vie d’une espèce extraterrestre prise au milieu d’une guerre ?

— Nous ne pouvons pas rester ici indéfiniment, rappela Yan.

— Ni bouger tant que ces êtres sont dehors, rappela Droma en désignant les créatures réunies autour du vaisseau.

S’ils réactivaient les moteurs du Faucon, elles seraient inéluctablement détruites…

— Je sais ! s’emporta Leia.

— Télémétrie, lâcha Yan, laconique. Le trafic augmente dans cette zone. Les Vong ont dû intercepter une partie de notre émission.

— Si nous gardons profil bas, fit Droma, ils ne nous verront pas, exact ?

— Oui, mais ce n’est pas ce que nous ferons, dit Leia. Envoyons un autre message.

Yan n’eut pas l’air ravi.

— Là, ils nous repéreront sans coup férir.

— C’est en partie mon but.

Soudain, l’époux de Leia comprit où elle voulait en venir.

— D’accord, mais et nos amis, là dehors ?

— Quelle est la portée de nos boucliers ?

— Je dirais qu’elle est très bonne… Pourquoi ?

— Pourrais-tu créer une bulle de protection séparée ?

— Pas sans modifications importantes.

— Mais c’est possible ?

— Je suppose.

— Parfait, dit Leia, un peu rassurée.

Son plan sauverait les Brrbrlpp à court terme – mais se solderait peut-être par leur destruction finale.

— Je doute que nous ayons le choix.

Yan commença à appuyer sur des boutons.

— Ne perdons pas de temps !

— Auriez-vous la bonté de m’expliquer ce qui se passe ? demanda Droma.

— C’est simple, répondit Leia. Nous allons attirer les Yuuzhan Vong ici en envoyant une autre transmission.

Le Ryn fronça les sourcils.

— Avant, déposez-moi au bar le plus proche !

Leia ignora cette pointe d’humour.

— C’est notre seule solution. Les Vong ont déjà repéré quelque chose dans le secteur. Ils croiront qu’il s’agit de la station de relais, et arriveront immédiatement pour nous éliminer.

— Et c’est une bonne idée ? fit le Ryn, dubitatif.

— Droma, intervint Yan, nous allons demander au Sélonia de guetter ceux qui convergeront vers nous pour les canarder. Simple !

— Le seul ennui, c’est que nous sommes là, nous aussi…

— Si le Sélonia vise bien, il n’y aura pas de problème. A l’arrêt, nous serons une petite cible.

— Et les indigènes ?

— Avec un peu de chance, ils seront à l’abri sous nos boucliers. Détends-toi, Droma. Leia sait ce qu’elle fait.

— Elle t’a épousé, non ? Ça ne me rassure pas…

Leia se tourna vers le droïd.

— C-3PO, préviens-les… (Elle s’interrompit, incapable de prononcer le nom des créatures.) Demande-leur d’approcher au plus près du Faucon et d’y rester jusqu’à avis contraire.

— A vos ordres, princesse.

— Qu’ils préviennent les autres de ne pas venir dans ce secteur. Ça va barder, et je ne veux pas qu’il y ait d’autres tués.

C-3PO transmit le message dans la langue musicale des créatures.

— Ils obéiront, dit-il enfin. Mais ils s’inquiètent d’être éventuellement pris en otages. Et ils nous demandent de faire très attention aux plaines de nidation, non loin d’ici.

Yan leva les yeux au ciel.

— Une nurserie ! Il ne manquait plus que ça !

— A quoi ressemblent ces plaines ?

— Il s’agit de tunnels souterrains où les Brrbrlpp femelles pondent leurs œufs, pour que les mâles les fertilisent. C’est un lieu réchauffé par le noyau de la planète.

— Et la proximité d’un site de ponte explique probablement qu’il y ait eu tant de monde ici.

— Exactement, maîtresse, répondit C-3PO.

— Mais nous ne pouvons pas nous déplacer maintenant, dit Yan.

— Dis-leur que nous redoublerons de prudence. C’est le mieux que nous puissions promettre.

C-3PO transmit le message, et Leia réfléchit à la difficulté de ce qu’elle avait entrepris. Le Faucon ne pouvait plus fuir ni retourner le feu des Yuuzhan Vong, de crainte de blesser les créatures. Si on ajoutait à cela la proximité des plaines de nidation, ainsi que leur ignorance de la localisation de la base, la situation n’avait rien de brillant.

— J’ai envoyé le message, dit Yan, et ajusté les boucliers.

Sur l’écran, Leia vit les Brrbrlpp se rapprocher du vieux cargo.

— Maintenant, le plus difficile : l’attente… conclut la princesse.

— Et espérons qu’ils ne seront pas trop occupés, là-haut, pour voler à notre secours, ajouta Droma.

 

Pour mon foyer…

Le cœur battant à tout rompre, Saba se réveilla en sursaut. Perturbée, elle inspira à fond. La planète en flammes, sa colère, le vaisseau d’esclaves, les torpilles… Une fois de plus, elle venait de revivre la destruction de Barab I. La culpabilité la minait toujours.

Pour mon peuple…

Elle se secoua pour chasser le rêve et les émotions qui l’accompagnaient. Qu’elle parvienne à le rejeter totalement restait improbable. Ces événements la hanteraient jusqu’à la fin de ses jours.

Elle soupira. Tout le monde dormait… Seules la pluie et la respiration paisible de ses camarades troublaient le silence. Tout paraissait normal. Et pourtant…

Ses écailles se raidirent d’appréhension. Quelque chose n’allait pas. Elle sonda la Force, cherchant à isoler la raison de son malaise. Elle perçut les autres Chevaliers Jedi, les signaux vitaux venus des dirigeables et des Ferroans à proximité, de…

Soudain, elle comprit ce qui la perturbait. C’était si subtil qu’un humain aurait pu ne pas le percevoir. Elle ne captait plus la force vitale émanant de l’habitation. Elle était morte !

Elle repoussa sa couverture et voulut se lever. Trop tard. Quelque chose de lourd la percuta, la repoussant sur le sol.

Elle rugit pour réveiller ses compagnons. Activant son sabre laser, elle taillada au jugé son agresseur… et sentit le poids disparaître.

Saba passa la tête et les bras à travers le trou qu’elle venait de faire. Et reçut un coup sur le crâne… Elle retomba avec un grognement, une douleur cuisante lui vrillant un côté du visage.

Elle se débattit. Quelqu’un avait tué l’habitation, qui s’était effondrée sur les dormeurs… Les agresseurs les guettaient à mesure qu’ils essaieraient de se dégager des décombres de la maison. Mais ces misérables ignoraient à qui ils avaient affaire ! Quatre Chevaliers Jedi étaient amplement capables de se défendre.

— Saba !

Soron Hegerty… Au ton de sa voix, elle avait des problèmes.

Saba tenta de se dégager pour secourir la scientifique, mais l’arme la frappa de nouveau. Echaudée, Saba dévia le coup et fit glapir de peur son adversaire en se redressant, sabre laser brandi. A la lumière de sa lame, elle découvrit son agresseur : un Ferroan de taille moyenne, l’air aussi résolu qu’effrayé…

Restait à retourner sa peur contre lui.

Saba lâcha un rugissement féroce en brandissant de plus belle son sabre laser.

Le Ferroan s’enfuit sans demander son reste.

Saba se retourna vers Hegerty, qui affrontait trois autres Ferroans vêtus de noir. Skywalker et ses compagnons, eux, se débrouilleraient sans elle. Mais Soron Hegerty avait besoin de son aide. Elle vit Luke procéder à l’évacuation de l’habitation tout en repoussant leurs assaillants. Mais ceux qui s’en étaient pris à Hegerty l’entraînaient avec eux !

Sabre laser brandi, Saba s’élança. A cette vue, un des ravisseurs trébucha. Ses complices se préparèrent à affronter le danger. Ils avaient peur, mais ne reculèrent pas. Deux d’entre eux portaient de lourdes massues. Le troisième pointa vers la Barabel une sorte de longue racine à la pointe en cristal.

Un éclair miniature jaillit du cristal.

Sabre laser levé, Saba l’intercepta aisément.

— Je ne vous laisserai pas blesser mon amie ! rugit-elle.

Le Ferroan au cristal baissa son arme, et celui qui était tombé fit mine de se relever. Le troisième, qui tenait Hegerty, la laissa retomber dans la boue.

Tous prirent la fuite.

Saba résista à l’envie de les poursuivre. Une main tendue, elle aida Hegerty à se relever.

— Merci, dit la scientifique en essuyant la boue de son visage et de ses cheveux gris. Quand le toit s’est écroulé sur nous, ils étaient là… J’ai d’abord cru qu’ils venaient à notre secours. Puis ils m’ont tapé dessus avec leurs massues… Pourquoi voulaient-ils me capturer ?

Saba le savait.

Toujours s’attaquer au plus faible de la horde…

C’était la première règle des prédateurs – les plus faibles étant en l’occurrence les non-combattants. Et ça signifiait…

— Il faut retourner auprès des autres ! s’écria Saba.

Elles trouvèrent Luke et Mara aux prises avec des Ferroans venus voir ce qui se passait. Surpris, ils s’offusquèrent en entendant Mara les accuser de négligence.

— Voulez-vous dire que nous sanctionnerions un tel comportement ? protesta Rowel.

— Tout ce que je sais, c’est que nous avons été attaqués. Et vous nous aviez assuré que nous serions en sécurité.

— Je croyais que les Jedi savaient se débrouiller seuls, railla Darak.

— La preuve, c’est que nous avons survécu ! répliqua Mara. Malgré la lâcheté de nos assaillants, qui ont attendu que l’habitation s’effondre sur nous pour attaquer.

— Les habitations ne s’effondrent pas toutes seules, dit Darak.

— Donc, nos agresseurs avaient planifié leur assaut, souligna Skywalker.

Rowel eut l’air exaspéré.

— Je ne vois toujours pas pourquoi quelqu’un aurait fait ça !

— Peu m’importe ! répliqua Mara. Je veux qu’on retrouve les coupables !

— Sous cette pluie ? lâcha Rowel. Ils ont pu aller n’importe où. Vous ne les aurez pas.

— Il faut essayer, dit Jacen. Elle n’est plus là.

— Qui ? demanda Darak.

Le plus faible de la horde…

— Danni Quee, répondit Saba.

Jacen hocha la tête.

— Et je n’attendrai pas que ses ravisseurs aient trop d’avance.

— Jacen… !

Mara tenta de retenir son neveu par l’épaule.

Il se dégagea et s’enfonça dans l’obscurité.

— Je veillerai sur lui ! promit Saba.

Elle courut sur les talons du jeune homme.

 

L’aide de camp de Pellaeon étouffa un cri quand la canonnière-leurre explosa – avec le vaisseau de Jag Fel à l’intérieur. D’autres clameurs retentirent sur la passerelle. Apparemment, le sort du fils du baron Fel ne laissait personne indifférent. Le Grand Amiral lui-même était sous le choc.

Il se tournait vers un officier pour lui ordonner de rappeler les chasseurs du flanc nord quand quelque chose d’étrange se produisit. La canonnière détruite s’était séparée en plusieurs morceaux. Deux des plus gros dérivaient rapidement vers le croiseur, le plus imposant étant catapulté en direction de la corvette. Enormes, ils infligeraient de sérieux dégâts à l’ennemi. Mais autour des deux vaisseaux, l’équivalent yuuzhan vong des systèmes anticollision se déclencha. Une langue de plasma jaillit en direction du premier fragment à l’approche du croiseur.

Au lieu de pulvériser le débris, la salve de plasma disparut.

— Que… ?

Il fallut un instant au Grand Amiral pour comprendre ce qu’il avait sous les yeux. Le deuxième fragment approchant du croiseur, le même phénomène se produisit. Les salves de plasma étaient absorbées par des basal dovins encore présents sur les fragments de coque !

Soudain, le plan de Jag Fel lui apparut clairement.

— Tous les chasseurs sur le flanc nord, ordonna Pellaeon à son aide de camp. Qu’ils se concentrent sur ces deux cibles ! Dirigez toute la puissance de feu sur ces failles !

— Quelles failles, monsieur ? demanda l’officier en fronçant les sourcils.

— Celles-là ! répondit Pellaeon, désignant la décharge d’énergie quand le premier gros débris atteignit le croiseur yuuzhan vong.

Il attendit que son ordre soit transmis, les chasseurs convergeant vers le vaisseau endommagé…

 

Jag Fel sentit le troisième fragment, auquel son vaisseau était arrimé, rouler follement dans le vide. Il fonçait vers la corvette. Très vifs, les Yuuzhan Vong avaient déjà concentré leur tir sur son débris, espérant surcharger les basal dovins et le faire exploser. Quand leur tir commença à ébranler ses boucliers, Fel riposta, conscient de créer la surprise. Un débris, même dangereux, était une chose. Mais qu’il fasse feu les prendrait certainement de court !

La salve eut l’effet escompté. Les canonniers yuuzhan vong furent assez distraits pour que le fragment percute la coque de la corvette. Juste avant la collision, Jag veilla à ce que le débris volant soit entre la corvette et lui. Mais l’impact fut assez violent pour faillir désactiver ses boucliers…

L’onde de choc de l’explosion lui fit perdre conscience quelques instants. Quand il reprit ses sens, il était immergé dans une boule de gaz et de débris chauffés au rouge. Utilisant la même tactique que pour la canonnière, il fonça à partir du point d’impact, s’enfonçant profondément dans la corvette.

Il ignorait jusqu’où il irait avant que ses boucliers soient surchargés, mais il ferait autant de dégâts que possible. Les guerriers vong étant formés à se battre jusqu’à la mort, les occasions d’explorer l’intérieur de leurs vaisseaux étaient rares. Jag ignorait donc où se trouvait l’équivalent des générateurs de puissance. Il fonça vers l’arrière du bâtiment, le long de son axe central. L’équipement important devait être par là. Déclencher une autre explosion comme celle de la canonnière serait sans doute ardu, mais il pouvait toujours essayer…

Des débris enflammés tourbillonnaient, l’enfermant dans une bulle de feu. Le plasma qui l’isolait du monde extérieur empêchait les clics de ses équipiers de l’atteindre. Jusqu’à ce qu’il sorte, il ignorerait si sa manœuvre avait suffi pour que la chance tourne en faveur de Pellaeon. Il espérait ne pas tomber sur un essaim de coraux skippers en ressortant… ça mettrait sûrement un point final à son plan audacieux…

Qu’aurais-tu fait, Jaina ? Serais-tu allée si loin ?

Il continua à tirer jusqu’à ce que ses lasers menacent de fondre, ses boucliers sur le point de s’effondrer. Au cas où il aurait besoin d’eux en sortant, il les mit au repos le temps de revenir en arrière. Autour de lui, des débris et des parties de la structure du vaisseau dérivaient, surchauffés et déformés. La corvette frémit… Allait-elle exploser ? Ou avait-elle simplement changé de direction ?

Un œil rivé sur ses instruments, il se fraya un chemin à travers les débris. De temps en temps, la mousse anti-flammes qui lui obstruait le chemin l’obligeait à la traverser en la brûlant et en déclenchant de nouveaux incendies.

A l’approche de la coque, il accéléra.

Le site de l’impact avec la canonnière lui offrait plus de marge de manœuvre, mais il se sentait aussi plus exposé. A l’intérieur, il avait été en relative sécurité. Dès qu’il émergerait de l’épave, il se retrouverait sous le feu de la corvette, et de tous les skips du secteur… Mieux valait qu’il jaillisse de sa cachette à fond les manettes !

Soudain, face à lui, il n’y eut plus que… les étoiles. Il bascula ses boucliers au maximum sur la poupe et accéléra à pleine puissance. Noirci du nez à la queue, son chasseur jaillit hors du vaisseau en flammes à la vitesse d’une particule éjectée du canon d’un charric…

Jag lutta pour garder le contrôle de ses stabilisateurs endommagés, sourd aux crépitements soudains de son unité com. Tant qu’il ne serait pas sûr d’avoir sa griffe sous contrôle, il ne pourrait se permettre aucune distraction.

Cela fait, il prit note de sa situation, surpris de voir que son plan semblait avoir marché… La corvette brûlait, sur le point d’exploser. Des dizaines de chasseurs impériaux la mitraillaient. A côté, le croiseur aussi encaissait une attaque similaire. Les endroits où il avait été percuté par les fragments de la canonnière étaient canardés sans relâche. Des brèches béantes jaillissaient des gaz, des débris et des cadavres qui rendaient la zone dangereuse pour les Yuuzhan Vong comme pour les Impériaux.

Que le flanc nord serve de point de ralliement de la résistance semblait désormais peu probable…

— Jag ! Vous vous en êtes sorti !

— Ravi d’entendre votre voix, Enton, répondit Fel. Comment ça va, ici ?

— Beaucoup mieux, monsieur, répondit Jumeaux Quatre. Je crois que vous avez montré un ou deux trucs à ces Impériaux !

Je l’espère…

— Congratulations pour cette excellente manœuvre, colonel Fel, intervint le Grand Amiral. Sachez que j’ai été surpris.

— J’espère que j’aurai réussi à faire la différence, monsieur.

— C’est certain ! Il devient clair que nul ne prendra le contrôle de cette planète. Ni les Yuuzhan Vong, ni nous. Je m’attends à une impasse, et personne n’ira au-delà d’une orbite basse. Ça donnera au moins le temps à l’équipe au sol de trouver la station.

— Avons-nous des nouvelles d’elle, monsieur ?

— Pas à ma connaissance, répondit Pellaeon. Mais vérifiez avec la capitaine Mayn. Si elle a du nouveau, qu’elle me contacte.

Sourcils froncés, Jag trouva bizarre le ton de Pellaeon. Mais ce n’était pas son affaire…

— Je la contacte immédiatement, monsieur.

— A votre place, je rentrerais, dit le Grand Amiral. Il faudra plus qu’un coup de peinture pour remettre votre chasseur en état.

Souriant, Jag Fel orienta sa griffe vers le Sélonia. Si le Grand Amiral avait pris la peine de parler de son chasseur, l’appareil devait être sacrément endommagé !

Il appela Mayn, qui lui ordonna de revenir. Elle aussi semblait perturbée.

— Nous n’avons pas de nouvelles du Faucon, dit-elle. Un message est arrivé il y a peu, mais nous n’avons pas pu le déchiffrer. Les Yuuzhan Vong doivent brouiller les transmissions venant de la surface.

— C’est mauvais, fit Jag. Nos amis pourraient avoir demandé de l’aide… Est-il envisageable de les rejoindre ?

— Non, colonel. Et ne pensez pas un instant à le tenter tant que nous n’aurons pas vérifié le bon fonctionnement de votre chasseur.

— Ne vous inquiétez pas, capitaine. Une folie par jour, ça suffit !

Alors qu’il s’apprêtait à atterrir, il posa la question qui le tracassait depuis un moment.

— Capitaine, Jaina est-elle là ?

— Mieux vaut en parler quand vous serez à quai, répondit l’officier, mal à l’aise.

Jag eut un pincement au cœur.

— Il y a un problème ?

— Honnêtement, colonel, nous l’ignorons. Aucun de nous n’est un Jedi, et nous n’avons pas idée si son état est normal ou pas.

— Quel état ?

Il entendit Mayn inspirer à fond.

— Elle est inconsciente, peut-être dans le coma, répondit Dantos. Nous ne savons pas quand c’est arrivé, ni si elle en sortira bientôt ou pas. Si elle en sort. Désolée, colonel. J’aurais voulu vous donner de meilleures nouvelles. Mais les faits sont là : nous ne parvenons pas à l’atteindre.

— Quand cela s’est-il produit ? Où l’avez-vous trouvée ?

— Dans la chambre de Tahiri, répondit Mayn. Elle est comme ça depuis notre arrivée.

Jag Fel serra les mâchoires. Il manœuvra avec soin son chasseur pour le poser à quai, alors que tous ses instincts lui criaient de se dépêcher.

— Vous êtes toujours là, colonel ? demanda Mayn.

Il n’eut pas le temps de répondre. Il était déjà sorti de son cockpit. Dès que ses pieds touchèrent le pont, il courut vers la chambre de Tahiri.

 

Les abords du palais de Shimrra avaient bien changé depuis l’expulsion de Nom Anor. Des formes de vies suintaient des murs, des sols et des plafonds des bâtiments. Digérant lentement les constructions inertes des précédents occupants de la planète, elles fabriquaient des extensions pour loger les serviteurs et les exécuteurs du seigneur suprême.

Le palais lui-même, un vaisseau-monde, s’élevait comme une montagne majestueuse au-dessus des ruines de l’ancienne cité. Splendide, avec ses puissantes ailes couleur d’arc-en-ciel, il trônait sur Yuuzhan’tar afin que tous puissent l’admirer.

Les murs du sanctuaire intérieur, les appartements privés de Shimrra, avaient été décorés de flèches incurvées qui jaillissaient vers le ciel, comme pour attraper les nuages. Le nombre d’accès avait été réduit, chacun étant maintenant bien gardé.

Malgré tout, la prêtresse Ngaaluh n’eut aucun mal à y infiltrer un villip. Habilement dissimulé dans ses robes sophistiquées, il montrait tout ce qui se passait à Nom Anor.

La cour s’était rassemblée pour écouter le rapport de Ngaaluh sur la région de Vishtu. Nom Anor reconnut beaucoup de visages – des gens avec qui il avait servi jadis.

A la cour, les possibilités d’avancement étaient bonnes, mais les risques se révélaient élevés. Tous restaient sur leurs gardes.

A la vue de Shimrra, Nom Anor sentit l’adrénaline l’envahir. Dans le feu de l’hérésie, oublier à quel point Shimrra était impressionnant s’avérait facile. Ici, cette force de la nature attirait tous les regards.

— … ressources fournies par le préfet Ash’ett se sont révélées à peine adéquates, dit Ngaaluh.

Elle pimentait savamment son rapport d’un grand luxe de détails – sans rien dévoiler de vraiment nouveau.

— Mais ma découverte est très perturbante. De nombreuses cellules d’hérétiques se sont formées dans l’équipe du consul, à tous les niveaux de la hiérarchie. Il est clair, mon seigneur, que la situation demande à être examinée de plus près.

Des murmures coururent dans la salle. Le haut préfet Drathul eut l’air particulièrement inquiet. Le préfet Ash’ett faisait partie de ceux qu’il supervisait. Tout problème rencontré avec Vishtu lui retomberait dessus.

— Oui, c’est très préoccupant, grogna Shimrra.

Son trône à la fois somptueux et grotesque dominait la scène. De Shimrra lui-même, l’obscurité et la puissance émanaient par vagues.

— Une fois de plus, Ngaaluh, vous faites montre d’une bravoure certaine en m’apportant de telles nouvelles.

Il y eut une nouvelle vague de murmures. Le seigneur suprême avait tué des messagers porteurs de moins mauvaises nouvelles.

La prêtresse s’inclina.

— Je fais mon devoir, seigneur.

— Vous avez des preuves, je suppose ?

Ngaaluh claqua des doigts. Des gardes traînèrent des prisonniers enfermés dans des cages en corail où des perforations laissaient l’air circuler. Les cages s’ouvraient d’une simple pression sur leur crête médiane. Gémissant, les cinq prisonniers sortirent et se redressèrent.

Aucun n’implora la clémence.

— Ces hérétiques répandaient le message du Prophète. Ils travaillent pour Ash’ett.

Les gardes les poussèrent sur le sol. Attachées avec de la gelée blorash, ces créatures déformées étaient hideuses, comparées à la perfection impériale du seigneur suprême.

— Toi, dit Shimrra, en désignant un hérétique. Es-tu un serviteur des Jeedai ?

— Je vis pour eux…

— Tu ne crains donc pas les dieux.

— Non.

— Me redoutes-tu ?

— Non.

— Que veux-tu ?

— Notre liberté et notre honneur !

La cour murmura de plus belle en entendant l’hérésie proclamée au cœur même de l’Empire yuuzhan vong. Tous, même Nom Anor, s’attendaient à ce que Shimrra se venge aussitôt du prisonnier qui osait le défier. Mais, comme souvent, le seigneur suprême surprit tout le monde.

— Intéressant…, dit-il d’une voix mesurée, presque ennuyée. Il en va comme vous l’avez dit, Ngaaluh. Les Jeedai instruisent-ils en personne ces hérétiques, ou leur délèguent-ils des agents ?

Le prisonnier répondit avant que Ngaaluh puisse répondre.

— J’obéis à ma conscience. Et au Prophète !

Nom Anor jura à voix basse. Cet imbécile n’était pas censé dire ça !

— A mon avis, Ash’ett est impliqué, dit la prêtresse, soucieuse de faire passer le message convenu.

— Mais vous n’avez aucune preuve directe ?

— Le moment voulu, je vous en fournirai.

— Ce ne sera pas nécessaire. (Shimrra se tourna vers les prisonniers.) Qu’on les jette dans la fosse des yargh’un. Leurs cris ponctueront agréablement ma communion avec les dieux. Et pendant que vous y êtes, amenez-moi le préfet.

— Il serait bon d’entendre sa version des faits, intervint Drathul. Je suis sûr qu’il prouverait son innocence. Il a toujours été un loyal serviteur…

D’un geste, Shimrra le fit taire.

— Que le préfet Ash’ett soit corrompu ou non n’est pas la question. Il a laissé l’hérésie s’implanter dans son domaine. Inacceptable ! Il faut lui rappeler les conséquences de ce laxisme. Que tous ses proches soient exécutés dans la fosse des yargh’un. Si quelqu’un ose résister, exécutez tous les membres de son domaine et nommez quelqu’un d’autre à la tête du secteur de Vishtu. Une confession est inutile. Les soupçons suffisent. Tel sera le sort commun à tous ceux qui laisseront l’hérésie s’installer.

Des murmures coururent dans l’assistance. Même pour Shimrra, la sentence était d’une exceptionnelle cruauté. Le haut préfet Drathul blêmit.

Ravi par le sort des intendants, qu’il méprisait, le maître de guerre Nas Choka sourit de toutes ses dents.

Loin de là, Nom Anor gloussa de satisfaction.

— J’en ai assez ! continua Shimrra. S’il existait une chance que ces animaux atteignent leur but, j’admirerais leur détermination et leur loyauté. Mais ils sont inéluctablement condamnés. Leur cause est sans espoir, et leur mort ne leur apportera aucun honneur. Les dieux les rejettent comme les abominations qu’ils sont. Je ne souffrirai pas qu’ils vivent, ou que quiconque pollué par eux vive !

Nom Anor était ravi. Avoir ourdi la disgrâce d’Ash’ett lui apportait un bonus inattendu. Shimrra entendait donner un avertissement aux castes, tout en éliminant les domaines douteux… Dorénavant, les soupçons suffisaient, et l’échec ne serait plus rejeté sur les subordonnés… Pour les hérétiques, ce n’était pas un désastre. Au contraire, ça donnerait une arme encore plus puissante à Nom Anor. Un seul mot de Ngaaluh pousserait désormais Shimrra à massacrer ses plus fidèles serviteurs.

Parfait !

Ngaaluh, la glorieuse reine de la tromperie, fut la première à réagir.

— Seigneur suprême, votre volonté est celle des dieux, dit-elle en s’inclinant. Nous vous obéissons.

N’ayant pas le choix, les courtisans s’inclinèrent aussi. Le haut préfet Drathul parut sur le point de protester, mais l’avertissement de Shimrra était clair. Ceux qui s’opposeraient à la punition pour hérésie seraient déclarés hérétiques eux-mêmes. Drathul bouillait de colère quand il s’inclina pour assurer le seigneur suprême de sa loyauté.

Pourtant, lorsqu’il regarda Ngaaluh, il n’y avait pas de haine sur son visage. Nom Anor y chercha des signes de ressentiment, à cause de la façon dont elle avait impliqué Ash’ett et tous les intendants, mais il lut seulement de la résignation dans son regard.

Etonnant… Accepter les choses ainsi ne ressemblait pas à Drathul…

Ngaaluh recula, laissant d’autres pénitents parler.

On passa bientôt aux problèmes de la surface. Un champ de lambents surchauffé s’était embrasé, compromettant les moissons. Des vers-poumons du district de Bluudon avaient pris la fâcheuse habitude d’émettre du sulfure d’hydrogène au lieu de l’oxygène qu’ils étaient censés produire. Deux troupeaux d’énormes conteneurs vivants, devenus fous, avaient semé la panique.

Le tout était lié au mauvais fonctionnement du duryam en charge des transformations de Yuuzhan’tar…

Le nouveau maître modeleur, Yal Phaath, n’avait pas encore de solution au problème.

Pendant ce temps, à deux mille kilomètres de là, une cellule d’hérétiques avait infiltré une équipe de cultivateurs de coraux skippers, glissant des parasites dans les conduits d’alimentation. Des vaisseaux à demi-développés avaient explosé dans le chantier naval, ruinant une année de travail. C’était la troisième fois que le mouvement pro-Jedi frappait en une semaine.

Nom Anor se frotta les mains. Même s’il n’était pas responsable des problèmes du cerveau-monde, ça ne l’empêchait pas de s’en attribuer le crédit. Le message se répandait rapidement. Les hérétiques pouvaient frapper n’importe où. Son pouvoir grandissait de jour en jour. Plus rien ne l’arrêterait…

L'Hérétique de la Force T3 - Réunion
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